Vol au-dessus des faux-semblants
Le 27 juin 2016
Sorti au Canada en 2014 , La Chanson de l’Éléphant débarque dans l’Hexagone deux ans plus tard, bien aidé par le succès grandissant de Xavier Dolan, le réalisateur prodige de Mommy et Laurence Anyways. Drame en huis-clos plutôt réussi, le film confirme le talent du jeune réalisateur devant la caméra, entouré par un casting sans fautes et un Bruce Greenwood tout en subtilité.


- Réalisateur : Charles Binamé
- Acteurs : Catherine Keener, Carrie-Anne Moss, Bruce Greenwood, Xavier Dolan
- Genre : Drame
- Durée : 1h50mn
- Titre original : Elephant Song
- Date de sortie : 3 août 2016

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Résumé : Michael, jeune patient interné en hôpital psychiatrique, a un goût prononcé pour les jeux et la manipulation. Mais Michael est le dernier à avoir vu le docteur Lawrence avant que ce dernier ne disparaisse sans prévenir. Le docteur Toby Green, directeur de l’établissement, va confronter le jeune homme afin de savoir ce qui s’est réellement passé.
Notre avis : Adapté de la pièce de théâtre de Nicolas Billon (dont il signe ici l’adaptation) La Chanson de l’éléphant, sous sa mise en scène un peu sage, fonctionne en miroir avec ses personnages. A l’instar du Docteur Green (Bruce Greenwood, revenu des étoiles, parfait), on sent venir la manipulation d’un peu loin. Comme le prévient la nurse Susan Peterson, Michael aime jouer avec les gens. Michael a le visage de Xavier Dolan, qui troque à cette occasion le québécois pour l’anglais. Cette gueule d’ange au regard sombre va très vite tomber le masque. Pas celui qu’on imagine, et c’est tant mieux.
Peu à peu, le film déroule un programme qui n’hésite pas à mettre en avant des à-côtés qu’on aurait juré superflus. Mais, comme son personnage, le film n’est pas ce qu’il prétend être, et le projet s’affine.
- Melenny Productions ©
(C) KMBO Distribution
Michael joue. De son intelligence d’abord, et de son charme aussi. Il exige et demande, pour changer la donne. Un échange, bouleversant, entre le docteur et le jeune patient, esquisse un discours sur les institutions psychiatriques et leur main-mise sur les pensionnaires de ces établissements où quelques uns décident pour d’autres. Ce programme, qui joue constamment sur le faux-semblant et le mystère d’un souvenir dont on ne sait rien, est servi par un casting inattendu mais judicieux. On redira tout le bien que l’on pense de Xavier Dolan, qui cabotine comme les grands. Aussi, on remerciera Binamé d’avoir choisi Catherine Keener et Carie-Anne Moss pour deux rôles féminins discrets mais touchants. Deux actrices toujours trop rares et qui méritent la lumière.
- Melenny Productions ©
(C) KMBO Distribution
Charles Binamé a le talent discret. Son humilité assure au matériau d’origine, le théâtre, une certaine fidélité. L’ajout d’une trame narrative extérieure au sujet d’origine évite le piège du superflu, insufflant au long métrage un enjeu émotionnel supplémentaire, qui se révélera bouleversant lors de son dénouement. La mise en scène, aussi classique soit-elle, rend compte de l’aspect clinique et glacial d’un hôpital psychiatrique dans les années 60. On pense, fatalement, à Vol au-dessus d’un Nid de Coucou, classique contestataire des années 70. Comparaison flatteuse, même si le film ne possède pas la richesse allégorique du chef-d’œuvre de Milos Forman. Mais ce petit film frappe fort, et la révélation finale, au-delà de l’artifice, assure au spectateur, si ce n’est le KO émotionnel, au moins de sortir de cet hôpital un peu groggy.