Le 21 février 2022
- Réalisateur : Igor Minaiev
- Genre : Documentaire
- Distributeur : Zelig Films Distribution
Le documentaire d’Igor Minaiev évoque de manière passionnante l’histoire de ce bassin houiller du Donbass, en mêlant passé et présent. Entretien avec le réalisateur.
- Copyright Trempel Films
AVoir-ALire : Quel était votre objectif en réalisant ce film ?
La mythologie construite par le régime soviétique est quelque chose qui m’intéresse depuis longtemps. C’était déjà l’objet d’un de mes documentaires, Le Temple souterrain du communisme. Ici, j’ai voulu montrer une nouvelle fois que l’URSS a inventé des mythes pour donner une vision globale du monde et que ceux-ci ont très bien fonctionné. Mais le point de départ, c’est l’histoire de cette femme attachée au poteau par les séparatistes russes, en Ukraine. Comment des gens qui ont vécu pendant des années ensemble finissent-ils par se battre entre eux ? C’est une question essentielle. Après, j’avais une idée différente pour les deux parties du film : évidemment, la deuxième n’existe pas sans la première. Mais j’avais décidé que des commentaires illustreraient les images d’archives de la propagande russe, alors que dans la deuxième partie, il n’y a pas de voix off. Les témoignages suffisent. Il y avait une urgence, une nécessité de dire ce qui se passe en Ukraine.
AVoir-ALire : Comment avez-vous sélectionné les archives que l’on voit et qui sont parfois étonnantes ?
Les archives auxquelles j’ai eu accès sont immenses. Il faut d’abord savoir ce que l’on cherche et je savais ce que je cherchais. J’avais une espèce de scénario en tête. Et je suis tombé sur ce film de 89, avec ces milliers d’ouvriers du Donbass. Cela répondait à la question que je me posais : qui étaient ces ouvriers ? Il s’agissait de mineurs oubliés, on parlait simplement des gens du Donbass, sans préciser. Pour la première fois, dans ce film, on voyait des vrais individus. Avant, on avait les images de la propagande, ces images d’Epinal, parfaites : à chaque fois, on regarde ces travailleurs qui fixent des ampoules dans leur nouvelle maison. C’est étonnant. Jamais on ne les voit installer des meubles ou laver le sol. Avec ce documentaire qui existait, mais qui n’a jamais été projeté, ces ouvriers ont enfin eu des visages, sont devenus des êtres humains.
AVoir-ALire : Comment jugez-vous la place des artistes qui ont été les chantres du réalisme socialiste ? Des cinéastes comme Dziga Vertov, par exemple ? Est-ce que, pour vous, leurs films restent formellement intéressants ou est-ce qu’ils sont à reléguer dans la catégorie des pures œuvres de propagande ?
Il faut rappeler qu’à cette époque le cinéma appartenait entièrement à l’Etat et que les films réalisés par des gens comme Vertov ou Eisenstein n’étaient que des films de commande. Mais ce sont des gens qui, évidemment, croyaient en ce qu’ils faisaient, croyaient en l’idéologie : Vertov était persuadé que le communisme soviétique était un système parfait. Il ne savait pas que tout cela se terminerait mal, y compris pour lui. En même temps, il a cherché autre chose qui relève d’un intérêt profondément esthétique : par exemple, il faut indiquer que La Symphonie du Donbass est le premier film documentaire sonore. Il y avait donc ces deux dimensions : idéologique et esthétique.
AVoir-ALire : Quel regard portez-vous sur la situation actuelle des cinéastes en Ukraine et en Russie ?
En Ukraine, il n’y a pas de censure, on peut tourner librement. En Russie, la production est incontestablement contrariée. Le cinéma est financé par l’Etat, la question est de savoir comment on peut diffuser une parole libre, comment faire connaître ce que l’on fait. Cela passe évidemment par les nouvelles technologies qui ont tout changé, mais aussi par tous les festivals qui donnent une vraie visibilité aux œuvres.
Propos recueillis le 29 mars 2019
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