Le 28 mars 2014
- Réalisateur : Jean Denizot
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 9 avril 2014
Rencontre avec Jean Denizot. Ce jeune cinéaste a choisi pour son premier long métrage La belle vie, une adaptation très libre de "l’affaire Fortin". La cavale d’un père et de ses deux fils qui dura onze ans... Sortie du film le 9 avril 2014.
Rencontre avec Jean Denizot. Ce jeune cinéaste a choisi pour son premier long métrage La belle vie, une adaptation très libre de "l’affaire Fortin". La cavale d’un père et de ses deux fils qui dura onze ans... Sortie du film le 9 avril 2014.
aVoir-aLire : Pourquoi avez-vous choisi le sujet de "l’affaire Fortin" pour votre premier long métrage ?
Jean Denizot : En fait les thèmes de mes courts métrages Mouche et Je me souviens, résonnent dans La belle vie. J’ai une culture de l’artisanat et non un parcours artistique précis. Je venais de terminer Je me souviens, en 2009, quand j’ai entendu à la radio parler de "l’affaire Fortin" : l’histoire de ce couple de néo-ruraux vivant dans une roulotte avec des enfants ; quand le couple se sépare, la garde des enfants devient une dispute ; un jour le père n’a pas ramené les enfants et ils sont restés onze ans avec lui…Il m’a semblé qu’il y avait là un vrai sujet de film. J’ai, de plus, été fasciné, quand le père a été arrêté, par sa défense par les enfants.
©Chrysalis Films
Mais vous avez inventé un épisode qui n’est pas du tout dans la réalité des faits…
En effet, après avoir lu tout ce qui avait été écrit sur cette affaire, aussi bien Fortin, hors système, témoignage du père et des enfants qu’Au nom de mes fils, l’ouvrage de la mère, Catherine Martin, je n’ai pas souhaité coller de trop près à leur histoire. Je n’ai pas voulu raconter leur histoire en détail. J’ai bien trop de respect pour cette aventure douloureuse. J’ai préféré inventer une ultime cavale à leur histoire. Avec mes co-scénaristes, Frédérique Moreau et Catherine Paillé, nous avons donc commencé l’histoire de La belle vie, au moment où celle des Fortin, père et fils, se termine. Au même moment, j’ai découvert A bout de course, le film de Sidney Lumet, sorti avec River Phoenix en 1998. Ce film raconte les derniers mois d’une cavale. C’était l’angle idéal pour mon récit : raconter le moment où la cavale prend fin. Donc nous avons écrit un road movie qui nous entraîne des montagnes des Pyrénées, où Xavier Fortin a été arrêté, à une île sauvage de la Loire.
Quels sont les thèmes que vous avez tout particulièrement souhaité aborder dans La belle vie ?
Bien sûr, celui de la paternité, au moment où je venais justement d’être père. Qu’est-ce qu’on est prêt à faire pour garder ses enfants auprès de soi ? Dans quelle mesure peut-on devenir le geôlier de ses enfants ? Comment se libérer d’une grande emprise ? Mais aussi comment vit-on dans la clandestinité, la précarité, le mensonge, la marge ?
©Chrysalis Films
Vous avez tenu également à inscrire les personnages et les actions dans une nature très présente et diversifiée…
C’est effectivement une grande préoccupation pour moi. Je viens d’un village du Sancerrois, dans le Cher, où les histoires affreuses, belles et médisantes, sont comme l’âme du lieu. Mon univers, c’est les bords de Loire, très loin en amont des bateaux, où l’on trouve des îles sauvages peuplées de castors et d’aigles pêcheurs. Mais ce qui m’intéresse en fait le plus c’est le voyage. Avec ce film j’ai voulu faire du territoire français un lieu fantasmé quasi mythique. La notion des grands espaces est liée au cinéma américain, de Raoul Walsh à Terrence Malik. Et j’ai souhaité filmer les paysages comme les Américains savent le faire. Explorer le territoire français avec les outils du cinéma américain. Avec la directrice de la photo, Elin Kirschfink, nous avons opté pour une répartition entre ciel et terre, selon les situations. Beaucoup de ciel ou beaucoup de terre, reprenant ainsi la méthode de John Ford, pour que les personnages se fondent dans les espaces, et que les paysages représentent, en permanence, une prison à ciel ouvert. C’est ambitieux, je sais. Et d’ailleurs je ne me suis vraiment senti libéré que dans la deuxième partie du film, quand l’action se passe dans la Loire, ce fleuve instable…
La distribution a-t-elle été aisée à mettre en place ?
Le couple d’adolescents s’est assez vite imposé. J’avais vu Zaccharie Chasseriaud dans le film Géants de Bouli Lanners ; il avait alors 14 ans. Il a tout de suite compris, lors du casting, ce que je cherchais : exercer une séduction immédiate sur la jeune fille qu’il allait rencontrer. C’est un intuitif, un solaire. Sa complémentarité avec son frère, joué par Jules Pélissier plus intellectuel, m’a convaincu. Pour Solène Rigot, je l’ai choisie parmi de nombreuses comédiennes, d’ailleurs certaines remarquables. J’ai été séduit par sa voix grave qui contraste avec son visage enfantin. Elle forme un beau couple avec Zaccharie. Il fallait de plus réussir les scènes d’amour. Comment demander sans gêner ces jeunes acteurs ? Pas évident pour moi. Ils ont été très à l’aise, très naturels, et tout s’est bien passé.
©Chrysalis Films
Le choix de Nicolas Bouchaud, pour le rôle du père est plus surprenant...
Effectivement, c’est un acteur qui fait très peu de cinéma. C’est un très grand acteur de théâtre. Il joue beaucoup. De beaux rôles, comme Le roi Lear. Je le connais depuis dix ans. Nicolas Bouchaud est un acteur à la fois physique et intellectuel. C’est un mélange parfait pour jouer ce néo-rural. Quelqu’un de décalé par rapport aux adolescents du film qui ont un jeu naturaliste. Nicolas apporte au film une ambiguïté dérangeante.
Vous avez déjà présenté La belle vie dans un certain nombre de festivals. Quelle est la réaction du public ?
Je crois pouvoir dire qu’elle est bonne. Le film a eu le prix du jury au festival de cinéma de l’environnement, organisé à Paris par la région Ile-de France. Il a eu aussi un bon accueil au festival « Premiers Plans » d’Angers. Nous l’avons également présenté à l’étranger, à Venise, Naples, Bucarest, au Brésil…Et je pars cet été à Melbourne.
Les Fortin, père et fils, et la mère Catherine Martin ont-ils vu La belle vie ?
Je ne sais pas exactement, mais c’est possible qu’ils l’aient vu à l’issue d’un festival. Ce qui est prévu, c’est que je les rencontre ce 30 mars au "festival de l’itinérance" d’Alès et qu’ils verront alors le film. Ce qui est certain, c’est qu’ils sont devenus l’objet des créateurs et que leur histoire augure de beaucoup d’œuvres à venir.
Avez-vous des projets après cette belle vie ?
J’ai commencé un scénario à partir de l’adaptation d’un roman noir américain de Thomas H.Cook, un très bon horloger du polar. Cela pourrait faire un film avec de vraies résonances avec La belle vie. J’écris avec les mêmes co-scénaristes, sous la houlette du même producteur, Mathieu Bompoint de Mezzanine Films. C’est très long à écrire. J’ai toujours en tête la culture américaine dominante. Le cinéma français a en effet un regard constant vers le cinéma américain : 20-25 ans de rapports complexes. Ensuite reste à trouver le financement. Difficile de tourner un deuxième film si on n’a pas fait 100 000 spectateurs au premier ! Il y a quelques années on pouvait avoir plus facilement le soutien du CNC et de Canal +. Donc j’espère, si tout va bien, tourner d’ici janvier 2016. Et continuer à explorer les grands espaces du territoire français. Le Jura ? Et si je pouvais tourner avec Gérard Depardieu…
Propos recueillis le 24 mars 2014
©Chrysalis Films
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