Été - La chronique BD

Été est plus une performance qu’une BD, conçue et lancée sur la plate-forme Instagram : le défi des auteurs était de publier chaque jour de l’été une page. Une saison au paradis, ou en enfer, pour un couple qui a décidé de prendre le large afin de connaître ses limites, de tout tester afin de mieux se marier, de s’éloigner pour mieux se retrouver. Un paradoxe de relation, qui repose sur une conception elle aussi paradoxale. À l’image du titre, l’album ainsi édité peut se lire comme un palindrome, dans les deux sens, pour voir deux histoires qui se ressemblent mais aux fins différentes, l’une optimiste, l’autre pessimiste. Deux voies et un couple qui alternent au fil des pages, couleurs et liaisons chaudes ou froides, projet d’une nuit et rêve de gosse, coups de sang et coups d’un soir... Hymne à la liberté sexuelle et à l’ouverture à l’autre, que ce soit de la musique ou du plaisir, Été sait rythmer les pages et jouer avec les non-dits, sans être particulièrement délicat ou implicite. La contrainte de la page quotidienne explique que certaines aient l’air un peu bâclées, faciles, tandis que d’autres sentent la sueur et le vécu. Un penchant inégal que l’œuvre conserve jusqu’à la fin, la conclusion (ou introduction, c’est selon), étant un brin fade, arrangée ou volée aux yeux du lecteur.

© Delcourt

Le style de Surcouf fait désormais partie intégrante du paysage de la BD française, et il a ce charme qui convient parfaitement à la description de la belle saison. Personnages chauds et sensuels, ambiance décontractée et colorée : les échanges sont fluides, les décors ont une fraîcheur, les pages s’assemblent sans besoin de liens, et c’est là le gros point fort de l’album. Si le ton et les anecdotes varient, le style ne bouge pas d’un iota, et donne à l’ensemble une unité bienvenue. Le mot performance revient alors inévitablement, tant la composition d’une bande dessinée implique du travail, et les délais représentant un écueil redouté, cette version publiée jour après jour peut laisser envisager au lecteur les épaules nécessaires pour réaliser cet exercice.

© Delcourt

Les amoureux de la saga de l’été retrouveront non sans plaisir sur papier les aventures délurées de ce couple dans une relation non exclusive le temps de deux mois. Une envolée faite de fantasmes un peu gros et de volontés plus simples mais finalement plus intéressantes, le tout enrobé dans le charme particulier du crayon de Surcouf. Feuilleton libertaire pas toujours égal et performance artistique non négligeable, Été est un album sympathique.