Le 13 octobre 2015
- Scénariste : Bo Lu>
- Dessinateur : Bo Lu
- Genre : Historique
- Editeur : Urban China
- Date de sortie : 1er avril 2015
- Durée : 1
Urban china nous présente une BD documentaire signée Bo Lu racontant en détail la bataille de Shanghaï et autres conflits de l’année 1937 en Chine.
Résumé :
Cette BD détaille la bataille de Shanghaï opposant le Japon à la Chine mais évoque aussi les autres combats s’étant déroulé sur le sol Chinois qui ont tâché cette période du sang des hommes, Chinois ou Japonais, de août à décembre 1937. Bataille après bataille, défaite après victoire, c’est la chute de la Chine sous les assauts du Japon qui se profile dans ce récit dur sans fioritures qui se conclut sur le siège de Nankin.
Notre avis :
Un récit âpre qui a demandé à Bo Lu énormément de recherches préparatoires. La narration suit pas à pas cette invasion s’appuyant sur des figures historiques. La violence de cette guerre qui n’en portait pas le nom est un coup à l’estomac. Les morts s’entassent au fur et à mesure des pages et l’on oublie vite les raisons de tout cela. Le Japon progresse en terrain ennemi et la Chine ne veut pas reculer, l’impérialisme Japonais et le patriotisme Chinois s’opposent et le coût se chiffre en milliers de vies humaines – et même centaine de milliers -. Le sang coule, les hommes anonymes meurent. Ce récit a un parti pris, puisqu’ils s’attardent sur certains hauts faits de l’armée Chinois, mal équipée, mal préparée mais plus nombreuse. L’esprit de sacrifice est présent à chaque page et dans les deux camps.
Les amateurs d’Histoire pourront découvrir précisément le déroulé de chaque bataille, la description des armements utilisés, les cartes montrant le déplacement des troupes.
Mais on passe rapidement d’une bataille à une autre sans avoir le temps de souffler. L’aspect documentaire choisi rend la narration très clinique : les personnages sont présentés par leurs actes, il n’y a même pas une légère fictionalisation. Ce choix très orienté donne, selon nous, un récit par trop informatif, manquant d’immersion pour un lecteur totalement étranger à ce conflit.
Il aurait fallu chapitrer l’histoire, afin de séparer les moments clés car, quand tout s’enchaîne sans pause, il devient difficile de s’y retrouver et de rester pris dans la BD.
De plus, le récit est entrecoupé, de temps à autre, de détails comme les fiches techniques de certains chars, des dialogues brefs entre soldats, concis jusqu’à devenir parfois peu vraisemblables, de représentations de généraux historiques, autant d’événements qui coupent le lecteur qui commencerait à se prendre au récit, compliqué à aborder – un peu comme cette phrase -.
Bo Lu reste quand même objectif, il décortique les raisons de la victoire du Japon, les décisions absurdes de l’armée chinoise, l’horreur des combats. Et si, dans l’avant-propos et l’épilogue, il pense et rend hommage à tous les soldats tués dans cette période, il sait prendre des distances au cours du récit pour ne pas en faire un pamphlet à la gloire de la Chine. Mais cette distance évitant toute charge émotionnelle est peut-être trop grande car le lecteur aurait bien besoin d’émotion pour contrebalancer le dégoût et l’horreur devant la mort et la violence qui lui explosent au visage à chaque page.
La violence des batailles est donc très bien rendue, mais ce récit dense – d’un conflit qui le fut aussi – risque à tout moment de perdre le lecteur, pas seulement par la narration « monocorde » mais aussi par certains choix graphiques.
Bo Lu a écrit ce conflit tragique mais il a aussi pris la plume pour l’illustrer. Le choix réaliste est fort mais heureusement le noir et blanc nous sauve du côté rébarbatif de l’étalage de violence sanguinolente que comporte toute guerre. Et en effet ce récit n’y coupe pas. Le sang gicle, les hommes meurent, déchirés par les bombes, découpés par les rafales de mitraillettes, embrochés par les baïonnettes. Âmes sensibles s’abstenir. Pour l’auteur, c’était sans doute un moyen de plonger le lecteur dans la violence de ce conflit qui en devient quasi absurde.
Les personnages n’ont pas d’existence propre et se perdent dans la masse. Soldats anonymes parmi d’autres, qu’on ne différencie plus au fur et à mesure de la lecture et parfois, qu’on ne reconnaît plus, qu’ils soient Japonais ou Chinois, car nous n’avons pas la connaissance précise des équipements qui permettent d’identifier les membres de chaque camp.
Les décors, comme les gens, sont très réalistes et visiblement bien documentés.
Mais dans le cadrage, recherché pour évoluer au fur et à mesure du déroulement du récit, sème quelque confusion. Comme ce soldat qui vise, tire et tombe mort au sol. Ah, un rapide examen de l’image nous révèle une différence sur la casquette, ce n’est donc pas le même soldat. En effet, à force d’anonymiser les hommes, la confusion s’installe. Dans l’exemple précédent, c’est la composition de l’image qui soulève l’incompréhension.
Une case nous présente un soldat tirant vers la droite. Celle d’après, un soldat mort frappé par un impact venant de la gauche, donc, visuellement, on peut croire que le tireur a été abattu. En fait, non, le soldat touché est la cible du tir. Mais il ne s’écroule pas en arrière par rapport au tir reçu, on le voit au sol dans la position qu’aurait le tireur s’il avait été touché avant de tirer. D’où confusion visuelle. Vous nous suivez ?
La composition des cadres rend parfois difficile la lecture, mais les uniformes n’aident pas – et cela, Bo Lu n’y est pour rien - !
Les uniformes étaient mélanges de casques anglais, allemands, chinois et japonais. Les soldats chinois ont des casques allemands et anglais, entre autres. Ce qui rend difficile la distinction au cœur du conflit. Même s’ils sont précisément détaillés au cours du récit et à la fin, la lecture des scènes de bataille n’en est pas plus facile.
La lecture est parfois si dure qu’on ne remarque plus les recherches de cadre effectuées par Bo Lu : déconstruction de la page, cases se chevauchant, cases explosées, tout en longueur ou parfois tout en hauteur. Découpage ralentissant le temps ou partant en des ellipses vertigineuses. C’est regrettable.
Les choix graphiques de Bo Lu marque sa double influence : celle du Lianhuanhua, BD traditionnelle chinois en noir et blanc, jouant sur un dessin fort et dynamique occupant la page de ces BD petits formats. Mais aussi celle du Manhua, format de BD plus moderne où le découpage et la composition des pages prend plus d’importance.
Certains dessins ont un impact fort, comme le visage de ce soldat, pleine page, les larmes aux yeux, qui ouvre le récit.
Le cadrage est parfois gênant par rapport au réalisme et à la densité du style choisi, aboutissant à des pages très lourdes, où il est malaisé de reprendre son souffle. Mais cela contribue à l’immersion, pourrait-on dire.
En tout cas, Bo Lu garde dans son cœur une affection et un souvenir particulier pour toutes ces morts horribles, inutiles, qui auraient pu être évitées. Cette BD nous rappelle qu’à l’autre bout du monde, on tue et on meurt de la même manière absurde dans chaque guerre. Et s’il fallait une raison de plus pour refuser la guerre, cette BD en est une, grâce à ses qualités et malgré ses défauts.
La Bataille de Shanghai 1937 est un récit dur pouvant facilement perdre le lecteur, le compte-rendu documentaire précis d’une guerre violente et sale, sanglante et révoltante, manquant parfois de clarté narrative et graphique.
Zéda sur le champ de bataille Sino-Japonais !
132 pages - 15 €
Galerie photos
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