Un acte politique pour rien
Le 20 novembre 2017
Ce qui se présente comme un feel-good movie politiquement marqué très à gauche, et accessoirement une comédie musicale, n’est pas du tout ce qu’il présente. L’usine de rien est un film laborieux, fataliste et même idéologiquement mensonger.
- Réalisateur : Pedro Pinho
- Acteurs : José Smith Vargas, Carla Galvão, Njamy Uolo Sebastião
- Genre : Comédie dramatique, Drame social
- Nationalité : Portugais
- Distributeur : Météore Films
- Durée : 2h57mn
- Titre original : A Fábrica de Nada
- Date de sortie : 13 décembre 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017
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Résumé : Une nuit, des travailleurs surprennent la direction en train de vider leur usine de ses machines. Ils comprennent qu’elle est en cours de démantèlement et qu’ils vont rapidement être licenciés. Pour empêcher la délocalisation de la production, ils décident d’occuper les lieux. À leur grande surprise, la direction se volatilise laissant au collectif tout la place pour imaginer de nouvelles façons de travailler dans un système où la crise est devenue le modèle de gouvernement dominant.
Notre avis : Trois heures ! Commencer ainsi une critique est peut-être brut, mais il faut le reconnaître, l’idée d’assister à un film ouvertement politique, et donc didactique, aussi long peut à priori apparaître comme rebutant. Pourtant, à le voir, il semble que cette durée ait avant tout été une contrainte pour Pedro Pinho, son réalisateur. Comment expliquer autrement la difficulté qu’il a visiblement eu à combler les failles d’un récit dont il ne maîtrisait en rien les enjeux ?
Tout semble pourtant bien partir. L’idée de ne pas définir de personnage principal dans sa reconstitution du conflit syndical qui suivit la fin de l’activité de l’usine peut même être assimilée à un héritage du cinéma russe découlant des grands principes du collectivisme bolchevik. Le parti pris politique, fruit d’un manichéisme pro-salariat, apparaît alors comme clair. Pourtant, une fois le rapport de force entre salariés et patrons inversé, et que l’on attendait naïvement du film qu’il nous raconte comment s’est mis en place le système d’autogestion auquel il est censé rendre hommage, les choses se compliquent.
- Copyright Vasco Viana
Il apparaît rapidement que le cinéaste portugais n’a aucune idée de la façon de dépeindre le processus d’administration interne. On en est alors qu’à la fin de la première heure des trois du long-métrage, et déjà Pinho commence à digresser à coups de circonvolutions baroques. Sa première idée est d’assumer pleinement le caractère documentaire de sa façon de filmer en mettant en scène de fausses interviews, face caméra, des personnages d’ouvriers. Ce dispositif devait permettre de mieux de les connaître, et in fine de s’attacher à eux et à leur cause. Pourtant, les longueurs phraseuses commencent déjà à se faire lourdement ressentir, d’autant que ces monologues artificiels ne sont en soit porteurs d’aucun véritable discours politique. Le parti pris politique en devient flou dès lors que l’on en vient à se demander si ces ouvriers ne feraient pas mieux de travailler un minimum.
Après ces scènes tournés dans l’usine, Pinho prend (par volonté artistique capilotractée ou par manque d’inspiration, comment savoir ?) une décision plus que radicale, celle de ne plus y poser sa caméra pendant près d’une heure. C’est le début d’une rude traversée du désert scénaristique où s’enchaînent de longs passages radicalement hors-sujet : une promenade surréaliste au côté d’autruches, un concert de rock ou encore une scène de sexe parfaitement gratuite. Le cœur de cette interminable partie est tout de même une scène de conversations entre simili-intellectuels marxistes. Depuis leur salon, loin de toute réalité sociale, leurs belles théories, très axées à gauche, semblent si abstraites, voire hypocrites, qu’il en devient très difficile d’y adhérer. La finalité politique vers laquelle se dirige le film n’a alors plus rien de certaine.
- Copyright Vasco Viana
Lorsque l’on retrouve enfin nos ouvriers, ils n’ont toujours pas su mettre en place leur système d’autogestion. Afin de nous sortir de la torpeur dans laquelle il nous a si lourdement plongé, Pinho a l’idée, toujours aussi improbable, de filmer son retour à l’usine à la façon d’une comédie musicale (soit 5 des 175 minutes, on ne peut donc pas qualifier l’ensemble comme tel). Pourquoi pas ? Mais la dernière demi-heure ne fait en fin de compte que nous renvoyer face à l’incapacité de ces ouvriers de s’organiser entre eux. Ce constat d’échec cinglant va même se poursuivre dans le dialogue que vont entretenir le plus caricatural des personnage bobo communiste et celui des ouvriers que le réalisateur a tâché de rendre le plus attachant en le filmant dans son intimité. C’est ce dernier qui va tenir le premier et dernier discours politique véritablement cohérent du long-métrage... un discours de droite.
Pedro Pinho avait-il conscience de réaliser un film véhiculant une vision aux antipodes de celle du pamphlet socialiste tel qu’il nous est vendu ? Espérons qu’il s’agisse d’une atroce maladresse idéologique de la part d’un cinéaste incapable d’être cohérent avec ce qu’il a en tête pendant plus d’une heure et non pas l’œuvre d’un individu assez fourbe pour nous vendre sa propagande pro-libérale sous couvert de la reconstitution d’un modèle social collectiviste dont il ne montre en réalité que les limites. Dans les deux cas, la meilleure chose à faire est de ne pas lui accorder trois heures de sa vie.
- Copyright Vasco Viana
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