L’ombre d’un mensonge - Bouli Lanners - critique

Critique : Ce qu’on voit surtout, c’est la mer. La côte est découpée et les vagues s’enfoncent bruyamment dans les falaises. Le ciel est gris. Ici, les gens vivent repliés sur eux-mêmes. Les exilés posent des barrières pour les propriétaires avant d’aller garder leurs moutons. Il faut sans doute un accident vasculaire cérébral pour que soudain le miracle de l’amour ait lieu. C’est exactement ce qui arrive à Phil qui se retrouve privé de la mémoire. Millie, une habitante historique de l’îl de lewis, se charge de le protéger, tout en prétendant qu’ils étaient amants avant que l’accident ne survienne.

L’ombre d’un mensonge n’est pas un énième film sur l’AVC et ses conséquences cognitives et somatiques. À la limite, la maladie n’est qu’une opportunité pour mettre en scène deux personnes qui auraient pu continuer à vivre distants l’un de l’autre, si la mémoire n’avait pas défailli. Tous les personnages semblent errer dans une grande solitude. L’alcool accompagne la tristesse des jours. Les enterrements se succèdent les uns après les autres, dans un univers mystique et religieux. Face au sentiment immense de liberté que génère la mer, il y a l’enfermement de ces gens qui se nourrissent de messes et se médisent les uns les autres.

Copyright Versus production – Brian Sweeney

Bouli Lanners déroule un récit mystérieux et apaisant, dont il ne donne véritablement pas les clés. Il laisse l’imagination du spectateur trouver des réponses aux comportements pour le moins surprenants des personnages. Même le titre est rempli de secrets. On comprend qu’il se noue un mensonge entre cet homme ravagé par la maladie et cette femme austère qui l’accompagne. Pour autant, la raison même du mensonge demeure confuse. C’est au spectateur de façonner son propre récit et d’apporter aux personnages les explications à leurs silences. En ce sens, le scénario est très malin. La conduite d’acteurs, le temps passé à filmer les paysages marins ou les étendues d’herbes installent le récit dans un rythme lunaire où il n’y a moins de réponses que de questions qui se posent.

Copyright Versus production – Brian Sweeney

En même temps, les ellipses narratives constituent le point faible du long-métrage lui-même. On ressort certes émerveillé par la beauté de ces deux êtres vulnérables qui apprennent à s’aimer, mais aussi agacé par ce qui pourrait sembler des incohérences ou invraisemblances. Toujours est-il que le cinéaste belge nous fait rêver dans cet écrin de mer, de pâturages et de ciel où l’on viendrait bien se reposer du vacarme de la modernité.