Le 22 octobre 2002
Roman culte, traducteur prestigieux, depuis sa parution, en 1952, L’ivrogne dans la brousse traverse les genres, délirant, fascinant !
Roman culte, traducteur prestigieux, depuis sa parution, en 1952, L’ivrogne dans la brousse traverse les genres, délirant, fascinant ! Il est aujourd’hui adapté au théâtre par Philippe Adrien. Une belle occasion de revenir à la source de ce texte affolant...
On ne peut pas dire que l’ivrogne dont il est question ait des ambitions démesurées. Son seul bonheur ici-bas, c’est boire du vin de palme. La vie est simple, les plaisirs faciles. Jusqu’au jour où son producteur unique et irremplaçable vient à mourir en tombant d’un palmier. Le sens de sa vie s’en trouve bouleversé. Poussé pas la nécessité, il partira à la recherche de son "malafoutier", jusque dans la Ville-des-Morts.
La trame est vieille comme le monde. Epopée merveilleuse aux allures de voyage initiatique, le héros trouvera sur son chemin tous les ingrédients qui font de ces périples des accès à la connaissance. Les situations sont imprévues, cocasses, hallucinantes. La première rencontre donne le ton, celle du "gentleman complet", qui n’est en réalité qu’un crâne, et loue les différentes parties du corps qui lui manquent pour séduire les jeunes filles trop naïves.
Nanti d’une estime de soi et d’une assurance qui le rendent totalement inoxydable, il oppose à toutes les péripéties du voyage sa ruse, son bon sens, et des gris-gris à l’épreuve de l’esprit le plus retors. Rien ne l’étonne, rien ne le désarme, les problèmes ont tous une solution, à portée de main. Dans le pire des cas, on peut toujours se transformer en statuette de bois ou en caillou !
Tutuola nous entraîne dans le monde de tous les possibles avec une naïveté et une jubilation réjouissantes. On est dans la farce, les contes de notre enfance, où régnait la baguette magique, le haricot merveilleux ou le petit poisson d’or. On pourrait croire, d’ailleurs, que c’est l’enfant qui raconte, tant la langue est spontanée, riche en digressions, parenthèses, justifications hilarantes et incohérences assumées.
Planton, magasinier, Amos Tutuola rédige son
Ivrogne en 1952. Le roman est rapidement un succès et Raymond Queneau le traduit en français un an plus tard. Nourri de l’imaginaire yoruba [1], le roman revisite pourtant allègrement les mythes universels, d’Orphée à Ulysse, en passant par Lewis Carroll. Il s’agit bien d’arracher un malafoutier au monde des morts, mais le trajet que suivra le héros est véritablement une Odyssée. On y trouve les mêmes épreuves, qui l’éloignent toujours un peu plus de son but comme de son foyer. L’issue lui apportera la sagesse, et il parviendra même à réconcilier le Ciel et la Terre !
Voyage initiatique ? Est-ce vraiment sûr ? Si le retour au bercail est bien un retour à la paix, il ne signe pas non plus une évolution marquante du personnage. Sa passion pour le vin de palme l’a jeté sur les routes, mais ses aventures n’ont rien changé à son désir. La vie reprend son cours, comme si rien ne s’était passé. Ivrogne il était, ivrogne il restera, dans la béatitude d’une tranquillité retrouvée !
Amos Tutuola, L’ivrogne dans la brousse (The palm-wine drinkard, traduit de l’anglais (Nigeria) par Raymond Queneau), Gallimard, coll. "Continents noirs", 2000, 123 pages, 12,10 €
Regards croisés : L’ivrogne dans la brousse, la pièce de théâtre
mise en scène par Philippe Adrien
[1] ethnie principale du Nigeria
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