Le 5 mai 2021
Il y a des récits et des personnages dont il est difficile de se défaire. Comme une seconde peau, ils nous entourent pour ne plus jamais nous quitter. Suzanne Reinhold en fait partie.
- Auteur : Anne Révah
- Collection : Bleue, Mercure de France
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 6 mai 2021
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : Psychiatre reconnue par ses paires et ses élèves, Suzanne Reinhold connaît bien la maladie mentale et elleest familière de ses affres. Pourtant, lorsqu’un syndrome de Cotard lui sera diagnostiqué, après de longs mois passés à déprimer sous le regard inquiet de ses proches, elle n’aura d’autre choix que d’être internée et de subir des électrochocs, n’y étant pas du tout préparée.
Critique : Pour beaucoup, la folie et les maladies mentales sont encore des sujets tabous, au point que l’existence des patients et des hôpitaux psychiatriques est encore marginalisée. Avec son nouveau roman, L’intime étrangère, Anne Révah redonne une voix à ceux qu’on ne veut pas écouter, car leur parole fait peur.
Dès le titre, le ton est donné et le récit sera placé sous le signe de l’oxymore. Cette dualité, au départ stylistique, va très vite s’appliquer à Suzanne Reinhold, l’héroïne du texte. Progressivement, celle-ci va devenir une étrangère dans sa propre vie, la subissant, sans réellement parvenir à en garder la maîtrise, à mesure qu’elle se laissera happer par la maladie mentale.
Son intimité, qu’elle pensait jusqu’alors connaître et contrôler, lui échappera, et la psychiatre laissera place, non sans difficultés, à la malade. D’abord dans le déni, elle refusera de donner sa véritable identité lorsqu’elle sera hospitalisée, pour ne pas être reconnue par ses pairs, qui pourraient propager des rumeurs sur sa santé à ses confrères et lui porter préjudice dans sa vie professionnelle.
Si cette peur est à ce point viscérale, elle pose malgré tout question. En effet, alors même que son statut de psychiatre devrait lui conférer empathie et compréhension sur son propre état, c’est comme si elle le niait, se montrant par moments d’une rare violence à son endroit, ne supportant pas ces longs mois de maladie qu’elle vit comme une pure faiblesse.
En ce sens, le roman est extrêmement puissant et poignant à lire, car l’autrice nous entraîne, d’une manière radicalement immersive, dans la psyché de son héroïne. Pour en accroître l’impact sur le lecteur, Anne Révah fait un choix audacieux, celui d’un récit à la deuxième personne du singulier : ainsi, la narratrice semble s’adresser à Suzanne Reinhold et les deux paraissent fusionner. Tout se passe comme si la protagoniste, sortie de l’antre de la folie, écrivait ce texte à son homonyme malade, comme pour exorciser cette période par l’écriture et la sublimer.
Loin de verser dans le pathos ou dans une forme de complaisance, Une intime étrangère est un roman dont l’intrigue et son traitement alertent et heurtent par sa violence symbolique. Trop souvent absents des films ou des romans, ou alors présentés comme dangereux, les fous et les malades mentaux sont victimes de préjugés parfois psychophobes, contre lesquels il est important de lutter, afin que ceux-ci retrouvent la place qui est la leur. Cette place, Anne Révah parvient à la leur redonner, en révélant les mécanismes qui se cachent derrière la folie. Mais elle démontre aussi que celle-ci peut s’abattre sur chacun d’entre nous, sans pour autant nous déshumaniser.
136 pages - 14 €
140 x 205 mm
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