Le 4 juin 2023
Intimiste, personnel mais profondément politique, le nouveau film de Robin Campillo engage dans sa forme et son contenu une sorte de mise en apesanteur romanesque. Une œuvre brillante et aboutie.
- Réalisateur : Robin Campillo
- Acteurs : Quim Gutiérrez, Sophie Guillemin, Nadia Tereszkiewicz, Charlie Vauselle, Amély Rakotoarimalala, Hugues Delamarlière
- Genre : Drame, Historique, LGBTQIA+, Politique
- Nationalité : Français, Belge, Malgache
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 1h57mn
- Date télé : 8 juin 2024 22:33
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Date de sortie : 31 mai 2023
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Résumé : Début des années 1970, sur une base de l’armée française à Madagascar, les militaires et leurs familles vivent les dernières illusions du colonialisme.
Critique : Avec L’Île rouge nous voilà très éloignés du tapage militant de 120 battements de cœur. Au contraire, Robin Campillo s’engage sur un récit d’enfance très personnel où il convoque, en plein Madagascar, des thèmes aussi variés que la colonisation française, la famille, la promesse d’une rupture du couple et l’enfance. Le petit héros du long-métrage est un gamin fasciné par la lecture, plutôt renfermé, et que ses frères ou son père associent régulièrement aux traits d’une petite fille. Campillo raconte certainement quelque chose de sa propre jeunesse sur la belle île de Madagascar, qui encore aujourd’hui peine à se stabiliser et à sortir des tourments de la domination française.
- Copyright Gilles Marchand
L’Île rouge se présente ainsi comme une œuvre intimiste qui pourrait presque faire penser à un ouvrage de Duras. La grammaire cinématographique choisit un rythme lent, une succession de scènes où il n’y a pas d’évènements majeurs. La continuité des jours, les jeux de l’enfant, les provocations du couple et les soirées entre amis constituent le cœur de cette narration où les principaux absents demeurent les indigènes qui vivent sur l’île et contribuent à servir les intérêts des militaires français. Le film multiplie les occasions pour les protagonistes de s’essayer au bonheur, dans un contexte où ils auraient beaucoup à perdre en quittant ce pays africain. Ils consomment, s’adonnent au marivaudage et à la frivolité, pendant que le peuple malgache travaille pour eux, les femmes vendant même leurs corps. Seul le petit Thomas parvient à s’extraire de cette vie mondaine et désinvolte en s’inventant des romans dans la tête à partir du personnage de Fantômette. Il se cache régulièrement dans un abri de jardon d’où il observe le monde et qui pourrait faire penser à la caméra que Campillo utilise aujourd’hui pour témoigner de sa vision de la société.
- Copyright Gilles Marchand
La question de l’homosexualité est abordée mais de façon très larvée. En effet, le réalisateur témoigne à travers le personnage de l’enfant d’une sexualité à venir qui pourrait devenir invertie. Mais, a contrario d’un certain nombre de ses films, il ne l’évoque pas de façon frontale et laisse le spectateur se faire une idée en la matière. L’Ile rouge est un film très apaisé en apparence. Le rythme lent, la tonalité souvent enchanteresse laissent percevoir une sorte de bulle, hors le monde, où les personnages se prélassent. En réalité, de façon très subtile, le cinéaste aborde la problématique de la violence conjugale, et surtout du rapport très complexe entre la France colonisatrice et la population malgache.
- Copyright Gilles Marchand
Le film naturellement s’affirme comme une œuvre politique. Le sujet de la post-colonisation et de la domination militaire est abordée dans sa complexité. Le réalisateur ne se cache pas de la nécessité pour l’État français de quitter le territoire au bénéfice de l’émancipation du peuple malgache, tout en pointant le modèle politique qui va suivre, pétri de conflits et de corruption, dont on sait aujourd’hui qu’il amène à faire de Madagascar l’un des pays les plus pauvres au monde. Le personnage féminin de la mère de Thomas constitue aussi une figure politique puissante. Cette épouse qui entretient un lien très particulier avec son fils évolue entre un modèle d’indépendance et une soumission sans critique au patriarcat autoritaire. En même temps, on ne peut pas ignorer les aspects très attachants du père qui s’illusionne d’un bonheur familial sans fin.
- Copyright Gilles Marchand
Robin Campillo a composé son film le plus personnel mais aussi le moins tapageur de tous. C’est une œuvre subtile, très profonde, filmée comme un roman.
- © Memento Distribution
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