L’Histoire d’une Mère - la critique du film

Notre avis : Sandrine Veysset n’est pas une inconnue du cinéma français, ayant déjà réalisé quatre autres longs-métrages – parmi lesquels : Y aura-t’il de la neige à Noël ? (1996) et Il sera une fois (2007). La mère est une figure récurrente dans sa filmographie et, une fois encore, c’est une jeune maman qui est au cœur de l’intrigue de L’Histoire d’une mère, film adapté d’un conte d’Andersen.

© Zelig Films Distribution

Le récit de l’écrivain danois narre les aventures d’une mère, partie en pleine hiver sur les traces de la Mort, qui lui a enlevé son enfant. En chemin, elle croise à tour de rôle la Nuit, un buisson, un lac et une vieille dame gardienne du jardin de la Mort, où les âmes des défunts ont pris la forme de végétaux en tout genre.
Sandrine Veysset tenait réellement à marcher dans les pas de l’œuvre originale, mais faute de financement, elle a choisi de la transposer à notre époque, dans une maison de campagne entourée d’un jardin.
Le film, relativement court, est presque construit en huis-clos, l’essentiel de l’action ayant justement comme cadre cette maison et ce jardin. De ce fait, pour ne rien perdre de la féérie ni de la mélancolie, omniprésents dans le texte d’Andersen, Veysset a choisi de donner du relief à son histoire, en jouant sur l’ambiguïté des situations et l’étrangeté de la mise en scène.

© Zelig Films Distribution

Il y a, entre les trois personnages principaux – Neige, sa grand-mère Héloïse et son fils Louis – des rapports plus qu’ambigus : comme le laissent à penser les longs silences, les regards glaciaux lancés à l’heure du dîner, Neige et Héloïse semblent bien mal se supporter et cependant ne paraissent pas pouvoir se passer l’une de l’autre. De même Neige fait, a priori, une bien mauvaise mère pour Louis, qu’elle laisse à Héloïse pour vaquer à ses occupations, avant de revenir jouer avec lui lorsqu’elle rentre à la maison. Il y a de l’incertitude, de la fragilité dans cette petite famille, de l’anxiété sur les visages et dans les corps, que la caméra sait saisir et rendre aux yeux stupéfaits du spectateur.

© Zelig Films Distribution

Certes, le conte d’Andersen est très beau, mais très sombre, inquiétant. Cette noirceur et cette inquiétude de l’âme – qui sont celles de la mère craignant pour la vie de la chair de sa chair – est fort joliment signifiés par la photographie d’Hélène Louvart et les costumes de Gil Lesage : le noir profond de la Nuit, le teint pâle et les cheveux argentés d’Héloïse et de la Mort, la faible lueur d’une lampe de chevet éclairant timidement la chambre de Louis, jusqu’aux décors pour le moins rustiques de Raymond Valentin… il y a quelque chose de burtonien dans L’Histoire d’une mère, une dimension expressionniste fort appréciable. Et même si la réalisatrice a pris de nombreuses libertés par rapport à l’écrit originel, elle a su préserver, bien qu’un peu sèchement parfois, la mélancolie cruelle d’Andersen. Singulier.