L’herbier sauvage - La chronique BD

Si vous vous intéressez un tant soit peu à la bande dessinée (ce qui expliquerait votre présence ici, en un sens), vous connaissez forcément Fabien Vehlmann. Si si. Alors bien sur, c’est un scénariste, et même si d’humbles faiseurs comme Jean-Michel Charlier, Lewis Trondheim ou un gars qui s’appelait René Goscinny ont contribué à donner à cette profession le lustre qu’elle mérite, il ne faut pas se mentir : elle reste un peu le parent pauvre dans la réalisation d’une bande dessinée. Aux dédicaces, Mézières a plus de monde que Christin, par exemple.

Mais on s’éloigne du vif du sujet. Vehlmann, donc. Non ? Toujours pas ? Green Manor ? Le Marquis d’Anaon ? Nan ? Plus facile : Seuls. Là vous devez connaitre. C’est en effet Vehlmann qui scénarise pour Gazzotti cette série tous publics (au sens noble du terme. Comme Astérix, donc), aux éditions Dupuis.

C’est donc un scénariste BD. Et un bon encore (personne n’a dit que l’on devait être impartial), dans le bon vieux genre rassurant, le franco-belge avec des morceaux de groom dedans. C’est pourquoi le moins que l’on puisse dire c’est que l’on n’attendait pas Fabien Vehlmann dans ce registre là, loin s’en faut. Et de quel registre s’agit-il, nous direz-vous, avides ?

Eh bien nous sommes ici face à un superbe objet, ni BD, ni roman, mais un recueil d’histoires ayant trait à la sexualité recueillies par l’auteur dans ce qu’il appelle un "herbier sauvage", comme le cahier où Gaston collait amoureusement des feuilles mortes appartenant à la ville..... à ceci près que les "feuilles" en question sont ici moins consensuelles. Alors entendons nous bien : personne ne parle de pornographie, ni même d’érotisme. Ce n’est pas un ouvrage à vocation masturbatoire. Et ce ne sont même pas à proprement parler des histoires mais plutôt des témoignages, souvenirs, rêves, fantasmes, tous plus ou moins avouables, glanés par l’auteur auprès de contributeurs anonymes. Le résultat, illustré magnifiquement par des dessins de Chloé Cruchaudet à la limite de l’impressionnisme se révèle fascinant, comme un voyage dans les tréfonds de l’âme humaine, à la croisée des chemins entre fantasme, rêve et cauchemar.

Les narrateurs nous ouvrent la porte de leurs plus noirs secrets, exorcisant par là toute honte ou toute gêne. Bien sur, comme tout recueil de ce genre, une lecture intégrale se révélera indigeste, ce que renforce encore la nature peu orthodoxe des récits. Préférez une découverte sur le long terme, à doses homéopathiques, afin d’apprécier à sa juste valeur cet étrange objet.


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