Sortie massacrée, grand film
Le 4 février 2009
Chronique sur la perte de l’innocence dans un monde corrompu de l’intérieur, d’une sensibilité et d’une intelligence inouïes. Brillant.
- Réalisateur : Gabriele Salvatores
- Acteurs : Aitana Sánchez-Gijón, Dino Abbrescia, Giorgio Careccia
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Italien
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– Durée : 1h42mn
– Titre original : Io non ho paura
Chronique sur la perte de l’innocence dans un monde corrompu de l’intérieur, d’une sensibilité et d’une intelligence inouïes. Brillant.
L’argument : L’été dans un paisible village du sud de l’Italie. Michel a dix ans et joue à avoir peur avec ses copains... Rien ne semble pouvoir troubler ces moments d’innocence. Et pourtant, au fond d’un trou, il découvre un terrifiant secret. Michel ne se doute pas qu’il est devenu le témoin d’un abominable crime qui changera le regard qu’il porte sur ses proches.
Notre avis : Ne guère se fier à la fausse mièvrerie du prologue (et du titre français) : l’innocuité du ton est rapidement démentie par de nécessaires touches de cruauté. De même, le récit initiatique est élégamment dépourvu de ses scories usuelles. Malgré une profusion d’artifices, le résultat sonne simplement juste et profond. En adaptant le roman de Niccolò Ammaniti (également scénariste) qui traite de la perte de l’innocence, Gabriele Salvatores (miraculé de Nirvana), prend son sujet à bras le corps et réussit à retranscrire le tohu-bohu étrange qui agite Michel, jeune protagoniste, qui sous la splendeur des champs ambiants, perçoit des zones d’ombre, des faits étranges, des personnes bizarres qui le poussent à penser que son monde est en proie aux forces du mal. Et s’il avait raison ?
De manière subtilement cohérente, la fiction bifurque de la chronique insouciante d’un bel été en Italie pour se focaliser sur des choses moins frivoles. L’été où j’ai grandi est un film impressionnant qui furète dans différents registres et distille une ambiance ouatée et torve. En substance, le récit tient à la fois du fantastique, du thriller, de l’étude de mœurs et du mélodrame avec une touche de romanesque discret. La première partie pourrait faire penser à un croisement étonnant entre Dark water, L’échine du diable et Memories of murder. Mais très vite, le film s’affranchit des correspondances pour acquérir un style viscéralement original. Sa grande force réside dans son scénario dense et fluide, sa photo belle et lumineuse comme de l’aquarelle, son interprétation robuste et surtout sa forme, éclatante, qui retranscrit au plus juste les moindres fluctuations du protagoniste.
En profondeur, Salvatores traduit la frustration de ne pas appartenir au monde adulte. En confrontant l’insouciance et la gravité, le ténébreux et le lumineux, son histoire formidablement illustrée possède une universalité bouleversante et raconte des choses cruelles et vraies sur la vie, sur la peur de s’aventurer dans un monde complexe, sur la peur d’aimer et de ne pas être aimé, sur l’amour d’un fils pour son père... Pendant le film, on pense beaucoup aux cinémas de Augustin Villaronga et Victor Erice, mais en sortant de la projection, on ne pense plus qu’à cette exquise curiosité, angoissante et fiévreuse, dont la beauté incommensurable ridiculise la concurrence estivale.
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