Le 11 septembre 2021
Un documentaire sans artifices qui dissèque l’engrenage d’une injustice annoncée au cœur de la plus grande démocratie mondiale.


- Réalisateur : Sabrina Van Tassel
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : ALBA Films
- Durée : 1h37mn
- Date télé : 5 avril 2022 22:36
- Chaîne : Canal+
- Date de sortie : 15 septembre 2021
- Festival : Festival de Deauville 2021, Tribeca 2020

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Résumé : Melissa Lucio est la première femme hispano-américaine condamnée à mort au Texas. Accusée d’avoir tué sa fille de deux ans, cette mère pauvre et droguée, coche toutes les cases de la coupable idéale. Pourtant, son histoire qui regorge de zones d’ombres, va se révéler bien plus complexe qu’elle n’y paraît...
Critique : Après La cité muette, un premier documentaire consacré à l’histoire du camp d’internement de Drancy transformé en logements sociaux à la fin de la guerre, la réalisatrice franco-américaine Sabrina Van Tassel plaide cette fois pour la réhabilitation d’une femme hâtivement condamnée.
- Copyright Alba Films
Alors qu’elle réalise un reportage aux États-Unis sur les femmes condamnées à mort, elle ne s’intéresse pas immédiatement au cas de Melissa Lucio, une mère infanticide qu’elle juge d’emblée, comme tout le monde, monstrueuse. Une brève rencontre suffira pour qu’elle se lance dans un début d’enquête et comprenne vite que le procès de cette femme pauvre et hispanique s’avère bien plus complexe qu’une justice expéditive ne le laisse entendre. Méticuleusement, la réalisatrice dissèque la vie de misère de celle qui, dès son enfance, fut victime d’abus sexuels et ne vécut que dans des logements délabrés. Mariée très jeune, coincée entre l’alcool et la drogue, elle a, à quarante-huit ans, quatorze enfants à qui elle semble avoir toujours témoigné attention et amour. Elle est pourtant accusée du meurtre de sa fille de deux ans et demi et attend son exécution depuis onze ans.
Ses addictions, ses origines, ses fêlures font d’elle la coupable idéale aux yeux des policiers agressifs et grossiers qui l’interrogent durant des heures et des heures sans lui accorder le moindre répit jusqu’à lui extorquer des aveux qui marquent le début du film. Déroulant alors une enquête aussi minutieuse qu’effrayante, destinée à remettre en cause les affirmations de ces premières scènes, le documentaire prend des allures de tragédie où se confrontent les grands principes de la justice américaine aux pratiques brutales de l’État du Texas, reconnu comme l’un des plus conservateurs et des plus inégalitaires.
- Copyright Alba Films
Un scénario habilement construit accumule, dans un premier temps, les preuves du crime (le rapport incomplet du médecin légiste, les détails de l’interrogatoire policier, les conclusions hâtives des services de l’enfance…) pour les opposer ensuite aux témoignages des proches de l’accusée et de ceux qui l’ont connue sous un tout autre aspect, pour finalement transporter le récit aux limites de l’insupportable en compagnie de juges et de procureurs plus préoccupés par leur réélection prochaine que par le goût d’une justice saine, ou d’avocats aussi laxistes qu’incompétents. Autant d’éléments livrés sans formatage auxquels s’ajoutent non-dits et silences pour livrer au spectateur une réalité brute et lui permettre d’affuter son propre jugement.
Un film captivant et sensible qui dresse le portrait sans concession d’une Amérique multiculturelle et disparate, empêtrée dans ses contradictions au point de broyer sans état d’âme ceux dont elle aspire à se débarrasser.