Monde sans pitié
Le 7 février 2006
Suspense et reportage. Davidsen marie les genres avec brio pour nous entraîner dans les suites terrifiantes de l’après-11 Septembre.


- Auteur : Leif Davidsen
- Editeur : GAÏA
- Genre : Polar, Document
- Nationalité : Danoise

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Ancien reporter radio dans les pays de l’Est, très au faîte des événements internationaux, Leif Davidsen s’est fait une spécialité du thriller à implication géopolitique. Il y excelle. Fortement documentés, ses livres ouvrent une porte sur le monde d’aujourd’hui, vu de Copenhague où vit l’auteur. Il y a quelque chose de pourri dans le royaume du Danemark qu’il nous décrit sans concessions de livre en livre. Une société où règne un bien-être presque indécent, en même temps qu’un repli sur soi et de vilains relents de racisme qui n’ose pas dire son nom. Pour ces raisons, l’intégration des immigrés est plus un grand mot qu’une réalité tangible. Dans les circonstances de l’après-11 Septembre, le pays représente un terreau fertile pour les groupuscules à l’œuvre dans la mouvance d’Al Qaida. C’est contre cet ennemi invisible que se bat le commissaire Toflund, à la tête d’un groupe d’enquête sur les ramifications du terrorisme international.
A l’autre bout de la toile d’araignée, une vieille connaissance du policier, Vuk, le tueur à gages déjà rencontré dans Le Danois serbe [1] auquel, en son temps, a échappé Lise, sa compagne journaliste. Depuis, les deux ont eu une petite fille, mais leur relation s’est détériorée. Toflund broie du noir. Vuk aussi, séparé des siens et embrigadé de force dans les services spéciaux américains. Voilà pour le décor.
A travers le jeu de piste que mènent les deux hommes se révèle une organisation de l’ombre parfaitement tentaculaire, capable de lever des fonds inouïs et de glisser à travers les mailles des filets les plus sophistiqués. Embrouilles entre les services d’espionnage, lâcheté des politiques, tirage de couverture à soi, rétention d’information et autres joyeusetés ne font qu’embrouiller les choses. Avec un art consommé de l’intrigue, Davidsen nous entraîne dans les méandres d’une réalité qui provoque l’effroi. En grand journaliste qu’il est, c’est sur les faits bruts qu’il se base, sans porter de jugement moral. Sous couvert d’un roman à suspense, il agence les milliers d’informations qu’il a récoltées, mais il se garde bien de nous livrer le mode d’emploi, nous forçant ainsi intelligemment à tenter notre propre décryptage du monde dans lequel nous vivons. Ce qui fait de L’ennemi dans le miroir une lecture hautement recommandable, même si l’on se prend à culpabiliser du plaisir ressenti à suivre des aventures pleines de rebondissements, où la fiction n’est à vrai dire qu’un prétexte. Mais assumé avec panache.
Leif Davidsen, L’ennemi dans le miroir (Fjenden in spejlet, traduit du danois par Monique Christiansen), Gaïa, coll. "Suspense", 2006, 400 pages, 21 €
[1] Egalement publié chez Gaïa