Le 29 janvier 2023
- Date de sortie : 12 janvier 2023
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
Disponible sur
Ce premier roman met en scène trois femmes vivant à Téhéran, en apparence libres malgré leurs atermoiements et leurs doutes. Malgré tout, se regrette l’absence d’une préface ou d’une note expliquant que Nasim Marashi a écrit sous la contrainte, devant se plier aux règles du régime iranien.
Résumé : Leyla, Shabaneh et Rodja se sont rencontrées sur les bancs de l’université à Téhéran. Soudées par un lien indéfectible, elles s’efforcent, envers et contre tout, de mener une vie libre. Leyla s’est mariée avec Misagh et a débuté une carrière de journaliste. Shabaneh est habitée par ses lectures et les souvenirs de la guerre. Rodja vient d’être acceptée en doctorat à Toulouse – il ne lui manque plus que son visa. Mais cet équilibre fragile vacille quand Misagh part seul pour le Canada. En un été et un automne, entre espoirs et déconvenues, toutes trois affrontent leurs contradictions. Suffit-il de partir pour être libre ?
Critique : Nasim Marashi semble abstraire ses trois héroïnes à leur patrie, leur créer une sorte de pays de papier qui ne serait qu’un double flou de celui où une révolution a éclaté il y a plusieurs mois. L’Iran est presque transparente ici et ne subsistent que les atermoiements de jeunes trentenaires désabusées, l’une devant se remettre de la fuite de son mari, la raison de l’autre luttant contre son cœur et la dernière préparant sa fuite, son destin français en devenir. De ces départs qui se multiplient, rien n’est dit si ce n’est l’envie d’étudier ailleurs, de partir tout en revenant de temps en temps, en regrettant les amis, la famille, « [les] rossignols et [les] fleurs ». De lointains souvenirs de guerre reviennent parfois à l’une d’entre elles, synonymes de chaos et d’hôpitaux qui débordent, tandis que la narration vacille, des éclats d’hier et des réminiscences s’invitant parfois dans le quotidien.
Les voix de Leyla, de Shabaneh et de Rodja se répondent dans ce premier roman, leurs tourments se faisant écho tandis qu’elles se réconfortent mutuellement, sans vraiment saisir l’ampleur de ce qui agite les autres – dans chacune d’elle, se devine le parcours de l’autrice, ses espoirs et ses craintes. Ces trois amies se sont rencontrées à l’université, se sont construit un noyau social, une carapace réconfortante qui éclate, alors que certains partent et que certains restent. Nasim Marashi s’intéresse ainsi davantage à la féminité téhéranaise, aux hésitations sentimentales et existentielles de trois héroïnes très différentes et très humaines qu’à leurs interactions directes avec leur pays. Se sent poindre leur désir de liberté, d’émancipation, mais jamais vis-à-vis d’un quelconque despote, d’une puissance supérieure, davantage, incidemment, d’hommes qui sont à la base de la société et des rapports humains. La toile de fond reste brouillée, sans odeur ni couleur, tout juste quelques goûts qu’évoque l’autrice et qui tapissent les papilles, comme un voyage avorté, comme un aperçu trop bref qui serait chassé par des dialogues parfois peu fluides.
En lisant des interviews de l’autrice, on comprend alors que le roman a été publié en Iran en 2015, et même primé, qu’il est donc passé par la censure du régime. Nasim Marashi a passé plusieurs mois en résidence artistique en France en 2022, invitée par Zulma ; elle a assisté de loin à la mort de Mahsa Amini, le cœur serré – elle aurait donc pu écrire une préface, raconter le cadre, expliquer qu’elle écrit en persan, parce que c’est sa langue et qu’en tant qu’écrivaine iranienne, elle se plie aux exigences du pays. Cela, un lecteur français ne le comprend que mal à moins de faire des recherches sur L’automne est la dernière saison, et regrette la quasi-transparence du contexte. « En tant normal, être écrivain, c’est se concentrer sur la langue, se demander si le mot est juste, s’il n’y a pas plus approprié… Mais en Iran, vous devez penser aux lignes rouges. Vous vous censurez. Cela vous détourne du véritable propos de la littérature » confie-t-elle en octobre dernier à Marianne Meunier pour le journal La Croix dans une interview à lire ici.
Peut-être était-ce malgré tout son désir que de faire de Téhéran une capitale comme une autre, des jeunes Téhéranais des hommes et des femmes aux mêmes préoccupations que quiconque, mais les images noires qui nous parviennent détrompent cette illusion et interrogent.
Nasim Marashi - L’automne est la dernière saison
Zulma
272 pages
18,33 euros
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