Le 2 mars 2021
- Titre original : The Hunting Accident
- Scénariste : David L. Carlson>
- Dessinateur : Landis Blair
- Genre : Document
- Editeur : Editions Sonatine
- Date de sortie : 27 août 2020
- Titre original : The Hunting Accident
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
Mêlant autant de types de planches que de matériaux narratifs, ce roman graphique en noir et blanc imbrique les mises en abîme dans une illustration parfaite de l’oxymore "une sombre clarté".
Résumé : En 1959, Charlie Rizzo arrive dans les rues immaculées de Little Italy, à Chicago. Sur la neige, la silhouette sombre de son père se découpe, le noir de son ombre culminant dans les verres de ses lunettes. Matt ne connaît que peu son fils qui vivait avec sa mère jusqu’alors. Suite à la mort de cette dernière, tous deux devront apprendre à cohabiter dans un appartement envahi par le martellement des touches de la machine à écrire en braille de Matt et les essais musicaux et artistiques de Charlie. Le garçon choisit les claquettes et le violoncelle comme moyens de communiquer avec son père, comme loisirs lui permettant de le « voir » à sa manière. L’histoire de la cécité de Matt reste le point de départ de l’intimité qui se noue entre eux, mais alors que Charlie grandit et se lie d’amitié avec les fils des mafieux qui pullulent dans ce quartier de Chicago, son père ne peut plus rester silencieux et se décide à briser le secret qu’il couvait au plus profond de lui et de son esprit.
Le noir et blanc souvent macabre de Landis Blair s’illumine parfois de la blancheur givrée des allées, du ciel lourd de flocons et, plus métaphoriquement, de l’ouverture d’esprit permise par l’éducation intellectuelle de Matt qu’il relate finalement à son fils, la fumée de ses cigarettes donnant naissance à des cases de sa vie passée. Après son accident, perdu dans la forêt des suicidés, il errait dans l’obscurité, incapable de quitter le mur face auquel il restait, seule certitude matérielle dans son monde de ténèbres. Mais découvrir l’art et la culture ; les merveilles italiennes et anciennes firent naître une lueur, une étoile du berger dans sa nuit. En apprenant à lire le braille avec Dante Alighieri, le jeune Matt a su mettre des mots sur son mal-être, a appris à connaître et comprendre les neuf cercles de l’Enfer y compris celui dans lequel il déambulait, seul et égaré. Cette aurore spirituelle, il tente de la raconter à Charlie, de le guider vers elle plus directement qu’il ne l’a fait jusque là – désormais, il ne se contente plus de lui faire relire ses écrits abscons qui puisent leur inspiration dans la mythologie, la philosophie et la religion, mais il illustre ses mots d’actes et de souvenirs, les fait éclore dans son esprit pour instiller un souffle de sagesse dans l’âme de celui qu’il aime plus que tout au monde.
David L. Carlson, Landis Blair / Sonatine
Armé d’une imagination débordante et de faits d’une rare richesse, Landis Blair a mis son talent d’illustrateur au service de l’esprit de David L. Carlson, lui-même inspiré par la vie de l’un de ses amis. Dans la postface, il confie que « plus [il] accumulai[t] de matière, plus [il] avai[t] du mal à imaginer comment raconter cette histoire. Il y avait tellement d’angles fascinants… » Cette complexité se traduit dans ces pages par un embrouillamini éclairé.
David L. Carlson, Landis Blair / Sonatine
Finalement, s’y mêlent avec habileté le tapuscrit né de l’imagination de Matt, ses cauchemars, les images qu’il se crée de La Divine Comédie, ses souvenirs, son passé, son présent et surtout celui de son fils, narrateur de ce roman graphique infernal et pour le moins singulier. Aucune régularité de motif, aucun schéma ne se répétant – à la place, des pleines pages, des panoramiques, des cases se fondant les unes dans les autres quand elles ne sont pas séparées par un liseré blanc ou bien par du noir, encore du noir formé de minuscules arabesques serrées, amalgamées. Landis Blair a en effet une technique graphique bien à lui et colorise ses dessins en croisant finement des traits délicats, créant des formes grâce à ses quadrillages précis, à ses tissages minutieux. Ainsi, la « sombre clarté » de ses planches immortalise mieux cette rédemption fascinante que n’importe quel discours.
Cela a en tout cas charmé le jury du Festival d’Angoulême : L’accident de chasse y a reçu le Fauve d’Or.
472 pages - 29 euros
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Galerie photos
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