En attendant "Kill Bill 2"
Le 12 mai 2004
Kill Bill 2 : la meilleure des réponses à Kill Bill 1...
- Réalisateur : Quentin Tarantino
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On ne va pas commencer à faire la fine bouche et jouer les exégètes en explicitant les qualités (incalculables) et les défauts (rares) d’une œuvre aussi immense que Kill Bill 2 mais le grand mérite des nouvelles pérégrinations sanglantes de la Mariée (alias Black Mamba alias # !??@ ??!#) est de montrer à quel point notre langue française est horriblement pauvre en superlatifs.
Souvenez-vous il y a quelques mois : cinq ans après l’élégant Jackie Brown, Tarantino était revenu en très grande forme avec le premier Kill Bill, une bombe aux dégâts collatéraux colossaux qui possédait tous les ingrédients du film parfait, où le spectateur avait l’impression d’assister à une expérience orgasmique où tous ses désirs de démesure et de folie se matérialisaient sous ses yeux (rares sont les films qui épousent vos objectifs et surpassent ce que vous espériez). Musicalement irréprochable (quand la bande-son de Lady snowblood rencontre celle de L’emmurée vivante sous l’égide de RZA), impeccablement mis en scène (inoubliable plan-séquence de la House of Blue Leaves), interprétation en or massif (Uma Thurman foudroyante, Lucy Liu inestimable)... Ce concentré de bonheur était une tuerie au propre comme au figuré qui rendait hommage à plus de trente ans de cinéma (arts martiaux chinois, western spaghetti, japanimation, films de samouraïs nippons...). Le chef-d’œuvre d’un cinéphile qui est allé au bout de ses rêves et des nôtres par la même occasion.
Additionnés l’un à l’autre, les deux épisodes se correspondent magistralement même s’ils reposent sur des ambitions et des modes différents. Le premier apparaît plus comme une bande-annonce BD hystérique à hurler de rire qui pose les bases d’une cruelle histoire de vengeance et les personnages qui vont la pimenter (O Ren Ishii, Elle, Budd, Vernita et Bill). En réalité, il mettait en lumière les enjeux dramatiques à venir et stimulait l’imagination tout en offrant une bonne part du gâteau. Le second, plus posé, moins trash, répond ainsi aux frustrations des spectateurs les plus sourcilleux qui ont trouvés que Kill Bill premier du nom manquait de substance et semblait tirer un trait sur les dialogues tarantinesques. Effectivement, ce n’est pas tous les jours qu’on a droit à des tergiversations sur les meilleurs singles de Madonna (Reservoir dogs) ou à un soliloque sur la saveur d’un bon hamburger (Pulp fiction). Kill Bill 2 ressemble moins à un patchwork de références même s’il y en a toujours autant (l’influence majeure reste Le bon, la brute et le truand) et parfois même de très discrètes (l’univers des gialli italiens et Evil dead). A la folie glacée de Lucy Liu, on a cette fois le flegmatisme élégant de Michael Madsen ; à la place de la House of Blue Leaves, on a une caravane paumée dans le désert. Le rythme se fait moins psychédélique mais l’émotion reste très forte. On n’est pas perdu pour autant : on est immédiatement dans le bain, ne serait-ce qu’avec cette bande-son qui décape (Ennio Morricone, si tu nous entends !), le style visuel assuré, familier, et les protagonistes qu’on prend un grand plaisir à retrouver.
Après avoir été tous les films de tous les genres à la fois, le second Kill Bill parvient à susciter des émotions contradictoires et paradoxales dans un même fragment de scène. Les personnages subissent le même traitement et deviennent plus substantiels : Budd (Michael Madsen) est un tueur cool fan de Charles Bronson au bout du rouleau de sa vie flinguée. Confronté à la pire des situations pour un tueur (c’est-à-dire aimer quelqu’un), Bill (David Carradine) dont on ne voyait guère que le visage dans le premier Kill Bill révèle également une humanité troublante et une drôlerie non dissimulée. On nous avait fait saliver avec cet hommage depalmaesque de l’hôpital (les split-screens et la musique de Bernard Herrmann) sur l’ambiguïté du personnage de Elle (Daryl Hannah). Kill Bill 2 rend justice à sa furtive apparition et lui donne un rôle de garce absolument hilarant. Le clash torride entre elle et la Mariée constitue l’un des grands morceaux anthologiques de ce second volet.
Pourtant, surprise dans Kill Bill 2 : Tarantino mise cette fois-ci davantage sur un registre émotionnel en appuyant subtilement la tristesse souterraine des protagonistes, déjà palpable dans le premier volet (la scène où Black Mamba se réveille, s’apercevant qu’elle n’a plus son enfant ; un long cri de douleur bouleversant). Kill Bill 2, ballet iconoclaste et délirant, festin sadique, romance intense où se mêlent des morts sublimes, des dialogues aux petits oignons et des monts de surprises. Du sang, du rire et des larmes. Du cinéma, encore et toujours.
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