Le 23 juin 2015
Kenneth Anger est un des auteurs clés du cinéma underground et expérimental au même titre qu’Andy Warhol. Son oeuvre a fortement influencé le Nouvel Hollywood de la fin des années 60 jusqu’à aujourd’hui et trouve sa place aujourd’hui dans l’histoire du grand cinéma tout court. Ce coffret devrait installer définitivement cette évidence.
- Réalisateur : Kenneth Anger
- Genre : Expérimental, LGBTQIA+
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Potemkine
- Durée : 159mn
- Plus d'informations : www.potemkine.fr
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– Années de production des 9 films : 1947 - 1981
– Sortie DVD : le 23 juin 2015
– Projection événement de Inauguration of the Pleasure Dome en version triptyque inédite, le jeudi 25 juin 2015 à 20:00, au Max Linder Panorama
24, boulevard Poissonnière - 75009 Paris
Kenneth Anger est un des auteurs clés du cinéma underground et expérimental au même titre qu’Andy Warhol. Son oeuvre a fortement influencé le Nouvel Hollywood de la fin des années 60 jusqu’à aujourd’hui et trouve sa place aujourd’hui dans l’histoire du grand cinéma tout court. Ce coffret miraculeux proposé par l’éditeur Potemkine devrait installer définitivement cette évidence.
L’argument : Une explosion de couleurs, de musiques, de provocations et de rêves : l’œuvre de Kenneth Anger a traversé le temps sans rien perdre de sa beauté subversive. Le réalisateur américain tourne son premier court métrage, « Fireworks », à l’âge de 20 ans et n’a cessé depuis de célébrer les puissances incantatoires du cinéma, mêlant l’artifice, les rituels et les mythes en une série de films littéralement magiques. Prince noir de l’underground, précurseur du clip et de la mouvance « queer », Anger aura profondément marqué les plus grands cinéastes, de Jean Cocteau à David Lynch, de Rainer Werner Fassbinder à Nicolas Winding Refn, en passant par Alejandro Jodorowsky ou Martin Scorsese.
Le coffret DVD Avec ce coffret DVD particulièrement complet, Potemkine offre les conditions idéales pour découvrir ou revoir cette oeuvre unique, comme l’avait fait en son temps l’édition en VHS de 1995 qui a tant marqué de nombreux cinéastes Français comme Gaspar Noé et Olivier Assayas (qui interviennent d’ailleurs dans le second disque bonus).
A travers son oeuvre, qui court sur plus d’un demi-siècle et n’est peut être pas tout à fait achevée, Kenneth Anger n’a jamais cessé d’explorer les moyens qu’offre l’outil cinéma avec la volonté affirmée de reprendre les choses là où les avait laissé la fin du muet ; toujours en phase avec son temps et ses obsessions toutes particulières comme les religions occultes, l’homosexualité masculine, le chamanisme et l’imaginaire populaire Américain des années 50 aux années 80.
Extrait du livret du coffret / (C) Potemkine
Lucifer Rising (1972-1980)
Parangon de l’esthétique de la fin des années 70 (du psychédélisme) et du début des années 80 (de Pink Floyd en passant par les films de Dario Argento ou même les quelques rares artistes de la pub comme Jean-Paul Goude), Lucifer Rising est le film somme de l’œuvre de Kenneth Anger. Si l’on n’est pas familier des thèmes de Thelema et de l’occultisme, le sens de ces sons et de ces images peut paraitre lointain et inaccessible. Lucifer rising est un film proche du ridicule mais qui n’y sombre jamais tant la musicalité du montage nous envoûte. Ce mélange de candeur absolue, de naïveté enfantine et de maitrise technique totale permet à l’édifice de tenir debout, miraculeusement ; comme si ces éléments disparates (un volcan en éruption, les pyramides d’Egypte, des éphèbes nus mimant la mort de Jim Morrison dans sa baignoire, des prêtres de messe satanique etc) étaient fait pour aller ensemble. On n’y comprend pas grand-chose, mais on se dit que ça ne vient pas de nulle part … et que ça y retourne avec certitude ! Un peu comme l’histoire de nos dérisoires existences…
Invocation of my demon brother (1969)
IMDB est un film de 11mns dont Mick Jagger a fait la musique et qui proviendrait de chutes de la première version de Lucifer Rising, la pièce maitresse de l’œuvre de Kenneth Anger.
C’est son film le plus sexuellement explicite avec ces nus frontaux d’hommes, ces pipes d’opium en forme de bite et les nombreuses associations de plans qui rappellent à quel point ce cinéma-là est avant tout sensoriel et magique. Les juxtapositions d’images très osées entre les images d’archives de ces pauvres types engagés au Vietnam qui risquent leur vie pendant que d’autres baisent, se droguent et prennent du bon temps au pays nous rappellent à quel point ce cinéma poétique est toujours ancré dans le réel.
Le film est une splendeur visuelle qui a dû fortement marqué des cinéastes comme Gaspard Noé, Gregg Araki ou le Brian De Palma de Phantom of the Paradise. Sa musique étouffante, faite de boucles mécaniques et lancinantes, créé un sentiment de malaise, qui fait penser au premier album des Daft punk, Homework ou à la musique de Tricky, première période. Mais c’est finalement au cinéma de Godard que ce film fait surtout penser, et notamment à ses Histoire(s) du cinéma, qui ont utilisée, reprises et malaxées le langage poétique qu’Anger invente sous nos yeux ébahis. Voilà un film qui nous rappelle que le grand cinéma n’est jamais intellectualisant ou académique, mais avant tout une affaire de sens et d’émotion.
Scorpio Rising (1963) & Kustom Car Commandos (1965)
Après Inauguration of the pleasure dome, Anger revient ici à un cinéma plus charnel alors que paradoxalement le film développe une fascination pour les motos, les bottes, les blousons, les bracelets et les casquettes en cuir. Le plaisir enfantin de réparer sa moto, filmer pour la première fois des enfants, cette attention portée aux gestes les plus dérisoires comme craquer une allumette sur ses dents donne au film un côté ludique et léger. En tout cas, dans sa première partie. La musique des fifties, symbole d’un âge d’or qui était déjà perçu comme perdu même en 1963, donne au film un côté juke box (on dirait ‘clip’ aujourd’hui) qui lui permet de justifier ses transitions futures vers d’autres régimes d’images.
Calmement, précisément, la camera montre des types en jean et en tee-shirt tout contents de lustrer leur carrosserie, comme on s’astiquerait autre chose. L’attention portée aux couleurs, à la brillance de ces engins rappelle la façon, très charnelle, qu’avait Anger de filmer les corps de marins dans son premier film Fireworks, en 1947. Loin de tout militantisme politique revendicatif, voilà un film qui donne aux hétéros furieusement envie d’être "queer" !
En suivant une logique d’association d’images qui lui appartient, il vire de bord dans la seconde partie du film et mixe des plans (désincarnés) de Jésus et ses apôtres avec des scènes de plus en plus explicites où les personnages érotisés et fétichisés du début du film se transforment en violeurs nazis. Malgré sa fascination évidente pour ces anges du cool, Anger montre, à son corps défendant, que derrière le décorum attrayant de l’Amérique des fifties sommeillait une violence éternelle, sourde et brutale (thème que William Friedkin reprendra 20 ans plus tard dans Cruising).
Kustom Car commandos est un film très court de 3 mns, qui n’appelle pas de commentaire particulier, si ce n’est que c’est comme la première partie de Scorpio Rising, mais avec des voitures et sans les violeurs nazis. Notons toutefois que le film est visuellement sublime et a sans doute inspiré Martin Scorsese (Mean Streets), Coppola (Outsiders, Rusty James), John Carpenter pour Christine et plus tard Cronenberg pour Crash.
Extrait du livret du coffret / (C) Potemkine
Inauguration of the pleasure dome (1953)
Dans ce film baroque et chargé de symboles inspirés de l’iconographie du système mystique et religieux Thélémite, Anger se lâche et tente de renouveler son cinéma en suivant la loi de ce mouvement auquel il adhère et qui est fondé sur des principes tels que : Il n’y a d’autre loi que fais ce que tu veux. Aleister Crowley, inspirateur du mouvement, voyait dans la magie une manière d’atteindre la véritable compréhension de soi. En revenant aux bases et donc à Méliès (qu’est-ce que le cinéma sinon la magie de voir le corps d’un fantôme revivre sous nos yeux ?), Anger utilise les artifices naturels qu’offre le cinéma et le montage, multiplie les surimpressions, et juxtapose des éléments à priori contradictoires pour tenter de générer une émotion et atteindre l’extase. Le plaisir pour Anger c’est : se déguiser, se regarder avec envie, avaler toutes sortes d’objets et de bijoux pour jouer et communiquer.
Les acteurs sont utilisés ici comme des figures qui s’expriment surtout avec leurs yeux et leurs mains. Leurs corps sont statiques. Ils semblent prisonniers de cette musique baroque et de cette imagerie un peu foutraque. On est en droit de moins goûter cette fantasmagorie un peu toc qui inspirera plus tard l’horrible Matthew Barney et de préférer les premières œuvres de jeunesse d’Anger. Notons tout de même qu’avec ce film, Anger adopte un style plus moderne, avec une image plus léchée, qu’il continuera de développer dans ses œuvres futures telles que Scorpio Rising ou Invocation of my demon brother.
Eaux d’artifices 1953
Eaux d’artifices est un poème filmé, où Anger continue son travail très personnel sur la vitesse de défilement des images (ici très coulée, presque ralentie), qui donne un aspect mélancolique et cotonneux aux plans. Les décors et la musique célèbrent, comme souvent chez lui, un temps perdu et difficile à circonscrire dans une époque précise. Dans ce court-métrage sans véritable fil narratif, Anger explore les possibilités du montage pour faire sortir la beauté de ces plans d’eau bleutés, parfois striés de jaillissements phosphorescents.
Les fondus enchaînés (tous très beaux) jouent sur la porosité entre les pierres du château et les fontaines alentours, et font penser au Cocteau de la Belle et la bête (Cocteau, qui prit d’ailleurs Anger sous son aile à son arrivée à Paris dans les années 50).
En son terme, le film déploie un sous-texte érotique assez explicite, via de multiples plans de jets ‘d’eau laiteuse’. Voir également ces yeux presque vicelards de dieux dont on ne sait s’ils menacent ou s’ils reluquent la jeune et frêle héroïne, perdue dans l’immensité de ces jardins abandonnés.
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