Une louve et son louveteau
Le 9 mai 2020
Tilda Swinton démontre une nouvelle fois son immense talent d’actrice dans ce drame psychologique se muant peu à peu en road movie méditatif sur la condition humaine et son indomptable bonté. Saisissant.
- Réalisateur : Erick Zonca
- Acteurs : Tilda Swinton, Saul Rubinek, Kate del Castillo
- Genre : Thriller
- Nationalité : Américain, Français
- Distributeur : Universal - StudioCanal
- Durée : 2h18min
- VOD : MyTF1VOD, Orange, FilmoTV
- Titre original : Julia
- Date de sortie : 12 mars 2008
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Résumé : Julia, séductrice et grande gueule a de plus en plus de mal à cacher son alcoolisme et finit par perdre pied. Une rencontre l’entraîne dans un engrenage infernal qui l’amène à kidnapper Tom, un enfant de huit ans.
Critique : Julia a tout de l’œuvre somme, un film où toute une équipe artistique a su se dépasser sur le plan créatif pour donner naissance à quelque chose d’unique. Julia c’est d’abord l’histoire d’une égarée, une femme qui a dépassé l’âge de l’innocence et n’a pas su trouver son chemin ; une paria de la société, névrosée, condescendante, émotionnellement marginale, avec comme seuls moyens de subsistance un réfrigérateur crasseux et quelques sachets de cocaïne. Ce personnage, sur le papier antipathique et proprement exaspérant, manifeste néanmoins une abondance de sentiments contradictoires et un tempérament corrosif, propres au protagoniste caractéristique du cinéma classique dans ce qu’il a de plus électrisant. Et qui de mieux que Tilda Swinton pour prêter ses traits tirés et fiévreux à la Julia imaginée par Érick Zonca ? L’actrice au visage envoûtant se redécouvre ici dans un tout nouveau registre, à la fois dramatique et, dans une certaine mesure, grotesque, dans un rôle à sa hauteur, qui semble avoir été écrit, pensé et élaboré pour elle. Swinton traverse le long métrage avec une incroyable fluidité, offrant une alternance de séquences romanesques - à la mise en scène nerveuse pour mieux capter l’action et son écho lourd de conséquences à échelle humaine - et de moments plus intimes, où l’actrice se permet d’explorer d’autres facettes de son personnage, qui se révélera, au cours de cette fuite en avant, une mère de substitution exceptionnelle, bravant vents et marées pour récupérer son garçonnet et se racheter une conscience.
Julia avait besoin d’une raison de vivre, d’une cause à défendre, et cet enfant arrivé dans sa vie avec une telle violence semble être son salut. Pourtant, on n’imaginait pas qu’une relation aussi particulière, débutée dans la douleur d’un kidnapping mal étudié, allait se muer aussi rapidement en quelque chose d’indicible, de l’ordre de la télépathie fusionnelle, n’ayons pas peur des mots. Dès lors, cet enlèvement d’enfant, point de départ assez conventionnel du drame sentimental, se transforme sous les yeux alertes de son (anti)héroïne en road movie brûlant comme la braise, où toutes les possibilités d’échappatoires se renferment une à une sur Julia. Ce périple géographique sera long et difficilement supportable pour nos deux personnages, mais ils ignorent tous deux que cette odyssée intérieure les mènera aux confins de leur intellect car, lorsque le garçonnet, pour lequel Julia n’avait manifesté jusque-là aucune tendresse, est enlevé par des ravisseurs mexicains, elle n’a d’autre choix que de le retrouver coûte que coûte, quoi qu’il advienne. Le boulot qu’elle avait récupéré sous la contrainte devient alors une affaire personnelle. Portée par la conviction de Tilda Swinton, Julia trouve la force de continuer sa quête vengeresse et se métamorphose graduellement, tel un papillon qui vient de sortir de sa chrysalide après une éternité d’enfermement, devenant une prédatrice impitoyable. Dans cette jungle urbaine, la raison du plus fort règne et Érick Zonca l’a bien compris. Il y a du John Cassavetes, mais aussi du Billy Wilder dans cette chronique nerveuse, voire tempétueuse, et Zonca digère admirablement bien ses influences.
Avec Julia, Erick Zonca signe l’œuvre la plus aboutie de sa carrière, offrant une fresque magnifique sur l’amour, la bonté, la pitié qui existe discrètement dans chacun de nous ; ainsi qu’un portrait de femme qui pulvérise d’un revers de main les idées reçues sur la figure féminine, tout en réinterprétant avec une énergie cinétique expansive les codes du film noir, pour en substituer l’essence même et la placer dans un cadre cinématographique à la fois moderne et perméable. Le film mérite une plus ample reconnaissance, tant tout y est réuni pour proposer à son spectateur l’expérience unique d’une symbiose entre deux personnes qui n’auraient jamais dû se croiser, l’une ne pouvant pas perdurer sans l’autre.
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