Le 26 avril 2018
Stéphane Guillon, saltimbanque de la roulotte, nous emmène dans ce livre, en coulisses des plateaux de télévision, où certains voudraient bien, à force de moqueries imparables, qu’on leur amena sa tête.
- Auteur : Stéphane Guillon
- Editeur : Grasset
- Genre : Biographie
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Résumé : Que s’est-il vraiment passé en France, entre 2015 et 2017 ? C’est - par-delà les élections, les scandales, les faits divers ou les faits people - ce que détaille impitoyablement ce Journal d’un infréquentable. Au fil de son récit, Guillon mêle ses souvenirs intimes (comme la disparition cruelle de son hamster Diabolo...), ses rencontres marquantes (Jean-Paul Belmondo dans une boutique de prêt-à-porter, ou Charb, le directeur de Charlie Hebdo quelques mois avant sa mort...) et ceux qui émaillent sa vie quotidienne, en famille, dans les coulisses de la télévision, en tournée... On y découvre des personnages connus ou anonymes, mais toujours hauts en couleur : son patron, monstre télévisuel dépourvu d’affect ; son assistant Antoine, féru d’humour noir, au point de choquer Guillon lui-même ; sa femme Muriel, son double, son metteur en scène mais qui au fil de la saison tombera sous le charme d’Emmanuel Macron, obligeant Guillon à écrire ses punchlines en cachette... Se dessine alors en creux le portrait d’un humoriste qui ne s’épargne pas. "On pensait avoir à faire à Lenny Bruce, on se retrouve avec Jean Rochefort dans Tandem", écrit-il de lui-même. Un infréquentable à fréquenter sans tarder !
Notre avis : Il en va de l’humour noir comme de la magie noire, les forces du mal, sinon du pire, qu’on invoque pour faire rire, provoque des retours de flamme conséquents. Ceux qui le pratiquent, sont aussi craints que parfois détester. L’humoriste peut, si la réputation suit, devenir infréquentable, en tout cas pour ceux qu’ils moquent, comme le prouve Stéphane dans ce journal intime mais professionnel. Pour Stéphi, l’humour noir consiste à enfoncer un clou du spectacle de l’actualité, qui n’est déjà pas bien droit et pour cela il lui suffit simplement d’observer les hommes politiques ou de relever les faits divers scabreux, puis de cogner un peu plus. Cogner, c’est son métier, et il jubile intensément de ces provoc’ combatives quand elles plient en deux son auditoire. Il arrive parfois que les faits soient si tordus, que Stéphane peine à en rajouter, comme souvent dans les déclarations politiques de la campagne électorale (affaires Fillon, Sarkozy, le Hollande bashing) pendant laquelle il a écrit son livre en forme de coulisses de son métier.
Comme en magie noire, on est parfois en tant que comique de cette catégorie bien en vue du public qui vous installe sur le piédestal du bûcher de la tweetosphère pour mieux vous incendier. La foule tweete des insultes comme ces gens qui venaient au Moyen Âge, invectiver le condamné, sur la place public, en toute impunité. C’est difficile d’être drôle, rare, surtout quand on a quelque valeur morale en trame de fond. Stéphane ose autre chose que des blagues sur des marchands de meuble, ou des dame-pipis. Il se crée des adversaires de taille. C’est un maquisard. Il va même au nom de ses convictions jusqu’à mordre la main qui le nourrit, celle de Bollo (M.Bolloré), là où d’autres lustrent le poil à forcer de la caresser dans le bon sens. La provoc’, c’est son expérience de Pavlov à lui. Au-delà du réflexe, n’y a-t-il pas du bon sens chez cet homme ? Une humanité, des valeurs chrétiennes ? Socialistes ? C’est ce qui semble pointer.
On apprend, qu’aussi infréquentable qu’on soit, on gagne quand même bien sa vie à amuser la galerie, retour du risque pris et du talent, de l’étendue de son public. On apprend aussi, qu’aussi grande soit la solitude, ceux qui ont ri, vous soutiennent et remercient de cette liberté que vous avez pris à dire bien haut ce qu’ils pensaient tout bas. Et puis on découvre Muriel, sa femme, mais pas que, puisqu’elle module, inspire, met en scène l’amuseur. Stéphane n’est jamais seul. Belle fréquentation n’est ce pas ?
On apprend qu’Ardisson ne porte pas de slip et que les gens de télévision ont à la fois la superficialité des gens du cinéma et l’opportunisme froid de péripatéticiennes. On s’en doutait un peu... Ce journal qui est avant tout drôle ne met pas en lumière, des réflexions intimes. Il s’adresse à ceux qui veulent rire d’une lecture amusante, de cet humour noir, ou ceux qui veulent faire ce métier, plus tard, quand ils seront grands. On apprend que l’humour sert aussi à dédramatiser dans la débâcle après le succès, lorsque Stéph est finalement licencié par SMS.
Pourtant ce livre, malgré son style mesuré et inventif en blaguounettes darky, n’est pas une oeuvre littéraire comme celle de Desproges. Aux mots, il manque son interprétation, son visage à contre-emploi, son regard tendre de cocker, beau gosse mais pas vraiment, sa voix, ses mimiques, ses imitations, qui sont finalement pour moitié dans son mérite. Stéphane Guillon est avant tout un comédien, un showman, plus q’un auteur angoissé de la page blanche. Espérons le voir jouer dans un autre emploi, un jour au cinéma, en interprétant le texte d’un autre, il pourrait certainement devenir tout à fait fréquentable.
Date de parution : 14/03/2018
Editeur : Grasset
Nb. de pages : 286 pages
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