Le 6 mars 2021
Le portrait étayé d’un playboy qui fond devant les minets, se moque des faux-semblants d’un métier qu’il prétend avoir embrassé par inadvertance, et cache sa pudeur derrière des boutades qui n’appartiennent qu’à lui.


- Acteur : Jacques Dutronc
- Chanteur : Jacques Dutronc
- Auteur : Frédéric Quinonero
- Editeur : L’Archipel
- Genre : Biographie, Cinéma
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 11 mars 2021

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Résumé : Artiste inclassable et insaisissable, roi du canular, Jacques Dutronc a tracé son chemin à l’intuition, sans chercher à faire carrière. D’abord guitariste, il aborde la chanson ("un métier d’escroc ") par un curieux hasard. Dans les mid-sixties, ses succès, écrits à quatre mains avec son "meilleur ennemi" Jacques Lanzmann ("Et moi, et moi, et moi", "Les Cactus", "Les Playboys"...), pointent déjà les dérives de la société de consommation, avec un sens de la formule qui fait mouche. Au cinéma, ce faux désinvolte a fait preuve d’une rare exigence et tourné avec les plus grands, de Zulawski à Pialat (il obtint le César du meilleur acteur pour "Van Gogh" en 1992), en passant par Lelouch, Deville, Godard ou Chabrol. Écologiste avant l’heure, Jacques Dutronc se cache souvent dans son repaire corse pour y "ranimer la flemme".
Critique : Si le nom de Jacques Dutronc reste incontestablement associé à l’époque des yéyés, il s’en distingue pourtant par bien des aspects. Aux onomatopées de tous ses copains chanteurs, il préfère des textes bien plus engagés qu’il n’y paraît. Aux ensembles à franges, aux tenues pailletées et aux vestes cloutées de son pote Johnny, il oppose son costume trois pièces et son éternelle allure de dandy. Normal, ce fils de bourgeois bohème, qui grandit entre une mère permissive et un père doté d’un redoutable humour sarcastique, prend un malin plaisir à n’être jamais là où on l’attend et à planquer, derrière une nonchalance savamment orchestrée, un rare professionnalisme.
Comme à l’accoutumée, Frédéric Quinonero, à qui l’on doit déjà de nombreuses biographies consacrées à des artistes de variétés françaises, se livre à un travail minutieux de documentation et de références. Agrémentée des témoignages précieux, tout de tendresse et de dérision, de Françoise Hardy, Jean-Marie Périer, Hadi Kalafate, bassiste de la première heure et de quelques autres, sa plume fluide et bienveillante révèle, sans le moindre parti pris, toutes les facettes -les meilleures comme les pires- de ce trublion attachant, pour en faire un être éminemment humain.
Nul doute que les plus fervents admirateurs de l’artiste découvriront, au fil des pages, quelques détails qui leur auront échappé. La genèse de chaque œuvre, qu’elle soit musicale ou cinématographique, y est précisée. Chaque protagoniste (auteur, compositeur, réalisateur, comédien) bénéficie d’une présentation en bonne et due forme. Cette mine d’informations en noiera certains, tandis que d’autres s’en délecteront. Le plus bel avantage de cet ouvrage est de nous offrir un survol social et artistique des soixante dernières années.
Et puis, comme tout a une fin, c’est encore entre désinvolture et émotion que Dutronc évoque la mort, celle de son copain d’adolescence, « ce grand garçon blond qui chantait du rock en secouant sa guitare et faisait chavirer les filles dans le quartier de la Trinité ». Il parle de la sienne bien sûr, qu’il n’est pas pressé de rencontrer, et s’avère finalement peu soucieux de l’image qu’il va laisser.
Pourtant, en refermant la dernière page, on se plaît à imaginer que ce livre, à travers la vision réellement panoramique qu’il offre de ce personnage atypique et inclassable, pourrait déjà lui accorder un début d’immortalité.
300 pages - 21 €