Ivo a mis les voiles - Nicolaï Pinheiro - la chronique BD

Critique : Le titre est déjà terriblement poétique, avec cette allitération rare sur le "v" du "Ivo" et des "voiles", comme une invitation au voyage et à l’évasion. Une expression familière, pleine d’audace et de mystère, pour qualifier une vie faite d’épisodes, décortiquée par un road trip que Kerouac ne renierait pas, balancée par des décades d’intervalle, sur des chemins que le temps a épargné car trop loin des grands passages, où seules les voitures témoignent d’une évolution, car les gens et les destins semblent les mêmes. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les chapitres comportent tous une petite notice biographique fictive d’un des personnages, qui rencontre tour à tour Ivo et Pedro, qui se fond dans une masse et sort tout de même du lot par un petit détail sans que cela influe d’ailleurs sur l’un ou l’autre des protagonistes. Mais cette galerie de personnages est bien là, davantage adjuvants qu’opposants, ce qui génère dans l’album une solidarité d’où jaillit l’humanité, quel que soit le milieu social (mais ils sont plutôt pauvres), quel que soit le sexe ou la couleur, pour donner à voir un Brésil plein de contrastes et brillant comme un diamant tout juste sorti de terre.

© Sarbacane / Pinheiro

Le dessin de Nicolaï Pinheiro s’impose désormais comme une référence, moins sobre qu’un Léo et plus moderne qu’un Juillard, pour assurer une relève graphique pleine de vitalité. Avec ses tons de poussières, qui couvre les routes et les murs, il fait d’autant plus ressortir les quelques couleurs qui parsèment le voyage : cheveux et yeux se taillent une jolie part, entre le bleu du ciel et le vert des arbres, dans une chaleur propre à l’hémisphère Sud. Les corps peuvent ainsi se dévêtir et les poings se frapper quand il le faut, Eros et Thanatos voyageant de pair avec Ivo et Pedro, jusqu’à arriver à une destination apaisante, un but qui n’en est pas un, car comme souvent, c’est le voyage qui compte, et non l’arrivée.

© Sarbacane / Pinheiro

Parcours de deux hommes liés sans se connaître, tissu de personnes qui forment ensemble une maille d’humanité aussi éclectique que vivante et digne d’intérêt, Ivo a mis les voiles est une BD de poésie et de liberté.