Le 9 avril 2019
Alain Cavalier touche l’indicible du deuil à travers un film minimaliste.
- Réalisateur : Alain Cavalier
- Acteur : Alain Cavalier
- Genre : Documentaire, Expérimental
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 28 octobre 2009
- Festival : Festival de Cannes 2009
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Notre avis : Poursuivant son travail en marge de l’industrie cinématographique, Alain Cavalier rend hommage à Irène Tunc, la femme qu’il a aimée jusqu’à sa mort dans un accident de voiture, en 1972. Comment exprimer l’indicible de la douleur, du deuil, incarnés dans les lieux que l’on parcourt, où à tout moment peut surgir le fantôme de l’absente ? A pas feutrés, Irène conduit le spectateur dans les dédales de la mémoire. On y hante des chambres d’hôtel, où l’œil et l’âme transitent, partout obsédés par le souvenir de la morte, la fétichisant dans chaque objet : une couette déformée rappelle ainsi la chaleur du corps étreint. A d’autres moments, c’est le château d’un ami, immense, déserté par le propriétaire... ainsi abandonné, il devient un monastère où Cavalier accomplit son chemin initiatique et ascétique, comme Orphée à la poursuite d’Eurydice. Lorsqu’il la retrouve, il n’est plus qu’une ombre au royaume des Ombres, magnifiquement projetée sur un mur. Cavalier demande le pardon. Il demande et implore le pardon. Il a raconté un peu plus tôt les circonstances du décès d’Irène : elle le pressait de venir se promener avec lui ; il s’est agacé –« attends un peu »- et l’a laissée partir. Il revoit la voiture le long du trottoir, il entend le bruit du moteur, il revit le moment où on lui annonce sa mort. La caméra encercle le lit où il s’effondra pour sa première nuit de deuil.
S’il s’agit de ressusciter la défunte par un film, il se trouvera toujours du monde pour habiter le rôle. Alors Cavalier hésite. Il entrevoit Sophie Marceau, dont il a accroché une photographie sur la porte d’un placard. Il la devine dans cet emploi, mais la perspective de « faire incarner » s’éloigne après un entretien avec une actrice. Tandis qu’elle relit le synopsis, hésitante, la caméra la saisit à travers la fenêtre. En contrepoint, la voix off du réalisateur enterre définitivement le projet. Au même endroit, bientôt recouvert de neige, il y aura un oiseau mort. Dans sa sécheresse et son hiératisme, le choix du journal intime filmé s’avère décisif. Cavalier peut planter tous les jalons de sa Passion : l’exhumation de carnets, la certitude de l’échec qui le conduira à les brûler -puis il renonce-, les réactions d’un corps qui se dérobe, soit par la chute (dans un escalier mécanique), soit par une crise de goutte ou un zona. Au bout du parcours, l’inconsolable réunit deux figures : sa mère (qu’il a perdue récemment) et Irène. Il fige l’image sur une table de chevet puis éteint la lumière.
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