Le 25 août 2021
- Acteur : Diane Rouxel
- Date de sortie : 25 août 2021
- Festival : Festival de Cannes 2021
Diane Rouxel, tête d’affiche de La Terre des hommes de Naël Marandrin, au cinéma le 25 août, revient sur la genèse du film et répond à nos questions.
- © Diligence Films
aVoir-aLire : Tout d’abord, j’aimerais vous demander comment les choses ont commencé pour vous avec ce film, et ce qui vous a fait pencher pour le film.
Diane Rouxel : J’ai rencontré Naël presque deux ans avant que le film se fasse. Peut-être un peu moins. On s’est vu plusieurs fois pour en parler, faire des essais aussi ! C’est le scénario qui m’a donné envie de faire le film, j’ai été touchée par l’histoire, la façon dont le viol est traité, où ce n’est pas une violence qui est physique et évidente, mais aussi psychologique. J’ai beaucoup aimé la manière dont le scénario traitait cela, subtilement, avec justesse, et le fait que ce soit un personnage hyper-déterminé, volontaire.
aVoir-aLire : Donc votre première réaction à la lecture du scénario était concentrée sur la force du personnage ?
Diane Rouxel : Oui. La subtilité aussi. J’aimais tout ce qu’il y avait à jouer. Tous les non-dits. J’aime beaucoup ces personnages, qui ont une espèce de secret, ce qui crée une sorte de double jeu très intéressant.
aVoir-aLire : Le film présente un double enjeu. On a les difficultés du monde agricole, qui se heurte à certaines considérations politiques. Et on a aussi la question des violences sexuelles, abordées frontalement avec le viol de Constance (personnage principal). Comment est-ce qu’on se prépare à un rôle aussi intense ? Est-ce que cela peut vous peser ?
Diane Rouxel : Je n’ai pas de technique particulière pour me préparer. On se prépare en y pensant beaucoup. J’ai passé du temps avec Finnegan (Oldfield, également à l’affiche) dans des élevages, car c’est un milieu que je ne connaissais pas du tout. Or il fallait qu’on soit à l’aise avec tout cela, et qu’on puisse jouer avec des vaches par exemple. Plusieurs fois, nous sommes allés chez des amis éleveurs de Naël, pour s’habituer à la présence des vaches, savoir comment leur parler : il faut tout le temps leur parler. Sur le côté plus psychologique du personnage, il n’y a pas eu de méthode précise. En revanche, cela a été très intense sur le tournage, et fatiguant émotionnellement. Quand je me sentais épuisée parce que j’avais dû pleurer toute la journée, ou me mettre dans des états pas possibles, je me disais que j’avais réussi à sortir un truc, j’étais fière.
aVoir-aLire : Le film présente l’histoire d’une femme qui se fait une place dans un monde très masculin. Dans votre filmographie, on peut noter des ponts entre les films, par exemple entre celui-ci et Volontaire (Hélène Filières, 2017). C’est un thème qui a l’air de vous animer.
Diane Rouxel : On me pose souvent cette question, mais en réalité je ne sais pas vraiment. Ce que j’aime dans ces deux films, c’est que ce sont deux jeunes filles qui n’ont « rien à faire là ».
aVoir-aLire : On peut le dire car c’est dans la bande-annonce : on dit concrètement à Constance dans le film qu’elle voit bien que ce n’est pas un monde pour elle…
Diane Rouxel : Exactement ! C’est un personnage qui prouve sans cesse.
aVoir-aLire : Elle répond littéralement « Je vous emmerde ! »
Diane Rouxel : Oui c’est ça ! D’ailleurs, dans les deux films (La Terre des hommes et Volontaire), j’aime bien cette idée que mes personnages aient des choses à cacher. J’aime beaucoup ces doubles jeux. Où on dit beaucoup dans le regard.
aVoir-aLire : Dans La Terre des hommes par exemple, il est extrêmement difficile pour votre personnage de parler du viol car même son propre entourage va la culpabiliser. Quand beaucoup se joue dans le regard comme vous dites, c’est forcément spécial avec le metteur en scène. Comment cela s’est déroulé avec Naël Marandin ?
Diane Rouxel : C’est assez particulier avec Naël. Je suis pas sûre d’avoir fait cela avec d’autres réalisateurs. Dans les scènes chargées émotionnellement, on faisait toujours une prise, à la fin, la toute dernière, mais sans dialogue. C’est-à-dire qu’on jouait avec tous les déplacements, tout, mais seulement avec les regards. On était tellement chargés de tout ce qu’on avait donné dans les prises précédentes, qu’on tentait cela. Et c’est souvent des prises qui ont été gardées au montage ! Car on comprend très bien ce qui se joue. Le fait de les avoir jouées plusieurs fois avant avec les dialogues renforce les émotions.
aVoir-aLire : Pensez-vous que le film peut permettre de combattre les mécanismes qui s’opposent à la prise de parole des victimes ?
Diane Rouxel : Oui j’espère. Dans le scénario c’est aussi ce que je me suis dit. Parce que j’avais des retours de gens qui me disaient : « Oui, mais quand même… », ou qui discutaient quelque chose d’évident…
aVoir-aLire : A l’image de l’amie de votre personnage dans le film, qui lui dit que tout de même, si c’était vrai, elle lui en aurait parlé…
Diane Rouxel : Exactement. Donc c’était important qu’il y ait ce film-là, fait aussi finement. Je pense que cela peut concrètement changer les choses, comme certains films ont eu un effet sur moi. J’ai un peu de mal à avoir de la distance avec le film car je joue dedans. Mais je pense que c’est un film qui reste en tête. Mes proches qui l’ont vu me disent beaucoup qu’ils repensent au film, qu’il les a marqué.
aVoir-aLire : Il y a une scène qui vous reste en particulier ?
Diane Rouxel : La scène du viol, qui est un plan-séquence de sept minutes. C’est une petite performance. La scène dure du moment où je sors de la voiture jusqu’à ce que j’y revienne. Techniquement, à mettre en place, cela a pris du temps. La scène nous a pris une journée entière. Après la mise en scène, on a répété plusieurs fois pour éviter les ennuis. En même temps, le fait qu’elle dure sept, sans coupe, aide beaucoup à la montée en émotion.
aVoir-aLire : Naël Marandin affirme qu’avant #MeToo, il a eu beaucoup plus de mal à trouver des financements pour le film qu’après…
Diane Rouxel : On peut clairement parler des ces sujets beaucoup plus librement après #MeToo, et c’est bien que ce film y contribue !
aVoir-aLire : Avant, on n’aurait peut-être pas abordé le sujet aussi frontalement ?
Diane Rouxel : Le fait que Naël n’ait pas pu le financer avant veut tout dire. Tout est un peu en train de se débloquer. Je ne pense pas qu’on aurait pu avoir un tel film, en tout cas pas aussi finement.
aVoir-aLire : Vous avez eu des influences particulières pour La Terre des hommes ?
Diane Rouxel : J’en ai rarement. En général, je me concentre vraiment sur mon histoire, sur le personnage. J’y vais à l’instinct.
aVoir-aLire : Des acteurs et actrices qui vous inspirent peut-être ?
Diane Rouxel : (Réfléchit longuement). Je pense à Emmanuelle Bercot. J’aime beaucoup Emma Stone. Il y a Romy Schneider aussi ! Ce sont des univers très différents.
aVoir-aLire : Vous avez travaillé avec Emmanuelle Bercot sur La Tête haute (2014). Cela change de travailler sous la direction d’une actrice ? Pour Volontaire c’était aussi le cas ?
Diane Rouxel : Cela ne change pas complètement les choses, mais me met en confiance. On se sent très vite comprise. Cependant, des réalisateurs non acteurs peuvent être tout à fait sensibles également !
aVoir-aLire : Vous avez un rapport à l’art particulier, car vous avez étudié les arts plastiques, vous faites de la photographie. Cela influence-t-il votre travail ?
Diane Rouxel : Au niveau esthétique, oui. Je regarde souvent le travail des chef opérateurs avant de faire un film. J’aime savoir quel chef opérateur va l’éclairer. Quand j’ai fait Les Garçons sauvages de Bertrand Mandico, il y avait beaucoup d’effets spéciaux réalisés sur le plateau, et cela fait vraiment partie des points qui m’ont poussé à le faire. Donc oui, cela m’influence.
aVoir-aLire : Au point de vous donner des idées ? En réalisation ou sur le travail visuel d’un film ?
Diane Rouxel : Oui. Je fais un peu de photo. J’ai fait des expos récemment. C’est un peu par période. Je pense que je mettrai à la réalisation. Pas tout de suite, mais cela commence à faire son petit chemin, je commence à y penser… J’aime bien rester sur le plateau, voir comment les choses se font. Ce n’est pas forcément ma place de proposer au réalisateur, mais parfois, si je me sens assez proche , cela m’arrive. Je me fais souvent la réflexion.
La Terre des hommes est sorti en salle le 25 août.
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