Un film avec Haley Bennett
Le 4 janvier 2020
- Réalisateur : Carlo Mirabella-Davis
- Acteur : Haley Bennett
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 15 janvier 2020
Entretien avec le réalisateur du film Swallow.
Carlo Mirabella-Davis (CMD) : Merci beaucoup de m’avoir sollicité pour cette interview pour la sortie de Swallow.
Fabrice Prieur (FP) : Le plaisir est partagé.
CMD : J’aurai beaucoup de plaisir à répondre à vos questions.
FP : C’est votre premier long métrage, comment vous est venu ce sujet original ayant pour toile de fond la maladie de Pica ?
CMD : L’histoire m’a été inspirée à la base par la vie de ma grand-mère qui était femme au foyer dans les années 50. Elle ne vivait pas un mariage heureux, aspirant à autre chose, elle a développé des troubles du comportement : elle se lavait les mains plusieurs fois par jour de manière compulsive, usant jusqu’à quatre savons par jour et douze bouteilles d’alcool ménager par semaine. Mon grand-père a fini par la conduire dans un établissement psychiatrique où elle a subi des électrochocs, des injections d’insuline et une lobotomie qui ont fini par lui faire perdre le goût et l’odorat. Cette manière forte se voulait comme une punition à son comportement, en dehors des codes que l’on attendait à l’époque de la part d’une bonne mère de famille.
Je voulais traiter de ce sujet, mais le lavage des mains compulsif ne me semblait pas très cinématographique.
Je me suis alors souvenu d’avoir vu une photographie illustrant la maladie de Pica qui montrait des objets disposés sur une table, provenant de l’estomac d’une personne qu’il avait fallu opérer. L’image de cette maladie m’a fasciné par son côté mystique quasi sacré, au point de chercher à en savoir plus et en faire le sujet de mon film, le reliant ainsi à l’histoire de ma grand-mère.
FP : Avez-vous fait beaucoup de recherches sur cette maladie dont peu de personnes connaissaient l’existence avant, moi le premier ?
CMD : Je me suis rapproché de l’experte mondiale de la maladie de Pica, Dr. Rachel Bryant-Waugh qui m’a gracieusement accordé de son temps et a réalisé, sur la base du script, une étude clef sur mon personnage, appelé Hunter, comme si c’était l’une de ses patientes.
J’ai bien le sentiment que la maladie de Pica est assez méconnue et crée de l’inquiétude comme toute pathologie psychologique. Néanmoins, j’ai bon espoir que ma mise en scène, empreinte d’une grande empathie, conduise les spectateurs à mieux la comprendre et à l’accepter.
Je me suis par ailleurs aussi appuyé sur mes propres petits rituels que l’on peut qualifier de TOC* pour alimenter mon script.
(*) Trouble obsessionnel compulsif.
FP : On retrouve, à travers le sujet, mais aussi par votre mise en scène des influences d’autres cinéastes, pas qu’américains d’ailleurs : qu’en pensez-vous et si oui, lesquels ? D’ailleurs, l’idée de nombreux gros plans sur l’héroïne était elle présente dès le départ ? Y a-t-il une référence revendiquée au cinéma nordique, de Dreyer à Bergman ?
CMD : En tant que cinéphile, j’ai vu jusqu’à cinq films par jour et encore parce que j’étais obligé de m’interrompre pour aller dormir.
Mon cinéma a donc de nombreuses influences. Effectivement, plus que Bergman c’est Dreyer qui m’a influencé pour les gros plans, surtout ceux de la Passion de Jeanne d’Arc (1928) : j’ai également orienté ma mise en scène, avec beaucoup de gros plans sur Hunter dans les moments où elle s’apprête à ingérer un objet créant entre eux un lien particulier, dont le spectateur est témoin.
J’ai aussi beaucoup été influencé par le cinéma de d’Alfred Hitchcock, pour la psychologie de ses personnages féminins, Douglas Sirk ; et pour les plus récents John Cassavetes, Roman Polanski pour Rosemary’s baby, Brian De Palma… et la cinéaste belge Chantal Akerman.
FP : Saviez-vous déjà dès le début à qui vous confieriez le rôle principal, si écrasant et difficile ? Ou sinon, y a-t-il eu plusieurs actrices pressenties ?
CMD : Dès le début, j’étais conscient de l’enjeu que portait le choix du rôle de Hunter. A l’écriture du script, aucune actrice n’a été pressentie pour l’incarner. Il y a eu un processus normal de casting dirigé par Allison Twardziak, où Haley Bennett s’est présentée comme d’autres actrices.
Elle ne m’était pas inconnue, l’ayant déjà vue dans La fille du train (2016). Elle n’avait jusque là jamais eu le rôle principal. Nous l’avons tout de même retenue pour sa grande capacité à incarner un large panel d’émotions, indispensable pour la crédibilité du personnage de Hunter.
FP : Etait-il convenu dès le départ qu’Haley Bennett serait également productrice déléguée et quel a été son apport ?
CMD : En effet, quand nous lui avons proposé le rôle, nous lui avons également demandé d’être la productrice déléguée. Elle a participé à toutes les étapes du processus de la réalisation du film, depuis la mise en place du script jusqu’à la promotion, en y apportant beaucoup d’elle-même. Sa contribution au film a vraiment été primordiale.
FP : Comment avez travaillé avec Joe Wright*, second producteur délégué, mais aussi metteur en scène comme vous ?
CMD : Il a été pour moi une sorte de mentor. Je l’ai toujours considéré comme un grand cinéaste. J’ai donc eu de la chance de bénéficier de son expérience. Il a apprécié mon script et par ses recommandations il a su se rendre présent, tout en respectant ma mise en scène. Je lui en suis très reconnaissant.
(*) Joe Wright est un cinéaste anglais qui a réalisé entre autres, Orgueil et préjugés (« Pride and préjudice » 2005), Anna Karénine (« Anna Karenina » 2012), tous deux avec Keira Knightley et plus récemment Les heures sombres (« Darkest hour » 2017).
FP : Avez-vous pensé, à un moment ou à un autre, que votre personnage possède certaines similitudes avec ceux qui on été conçus par Alfred Hitchcock et qu’ont pu interpréter Grace Kelly, Eva Marie Saint ou encore Tippi Hedren ?
Je ne sais pas si ma question est suffisamment bien formulée, mais elle contient un vrai compliment !
CMD : Merci du compliment, « je suis très content » (en français dans le texte).
Oui, je suis un grand admirateur de l’œuvre de Alfred Hitchcock, ainsi que des actrices que vous avez citées.
J’ai entre autres été très impressionné par Psychose (« Psycho », 1960) pour la place donnée au motel et la maison indissociable du film, ainsi que par les personnages de Norman Bates (Anthony Perkins) et Marion Crane (Janet Leigh), dont j’ai encore le cri en tête.
La maison de mon film est fortement inspirée par celle de La mort aux trousses (« North by Northwest », 1959). La psychologie de Hunter a, quant à elle, beaucoup de similitudes avec celles des différents personnages créés par Hitchcock.
Ce cinéaste savait emmener le spectateur où il voulait, sachant inspirer la peur uniquement par sa mise en scène. Il a su donner ses lettres de noblesse au genre. J’espère modestement que mon film s’inscrit dans cette mouvance.
FP : N’avez-vous pas craint à un moment ou à un autre que les personnages qui entourent Hunter apparaissent comme caricaturaux ?
CMD : Mon but était de mettre en place une galerie de personnages forts et complexes, tout en apportant des nuances. Par exemple, la belle-mère de Hunter essaie d’être sympathique avec elle mais, en fait, met tout en œuvre pour la contrôler et l’obliger à se conformer à ce que l’on attend d’elle : soit une femme au foyer, exemplaire. Quant au mari, tout ce qui lui importe, c’est de préserver les apparences face à son entourage.
FP : Les causes profondes de la maladie que l’on découvre au cours du film étaient-elles présentes dès le début de l’écriture du scénario ?
CMD : Oui. Sans vouloir dévoiler l’intrigue, chacun de nous est construit avec les événements de son enfance. Dans le cas des personnes atteintes de la maladie de Pica, certains de ces événements ont été traumatiques.
FP : Votre film me semble d’un style plus européen qu’américain. Qu’en pensez-vous ?
CMD : Je comprends votre remarque, mais mon intention était de faire un film de portée universelle. Néanmoins, il est vrai qu’il s’agit d’une coproduction franco-américaine. La recherche de financement a été difficile et c’est grâce à l’apport de capitaux français que j’ai pu boucler le budget. Mon objectif initial était d’arriver à mélanger de la comédie, du drame familial et du film d’angoisse.
FP : Etes vous sur un projet de film d’horreur au féminin, comme on a déjà pu le lire ?
CMD : Je suis actuellement en pleine écriture du script d’un film d’horreur, féministe et surnaturel. Je ne veux pas en dire plus à ce stade, mais je serai ravi d’échanger avec vous quand le film sera terminé.
Merci à Solène Cruaud-Prieur pour la traduction de l’anglais.
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