Le 29 septembre 2024
- Acteur : Marion Barbeau
- Distributeur : Haut et Court
- Festival : Festival d’Angoulême 2024
Marion Barbeau, révélée en 2022 dans En Corps de Cédric Klapisch, trouve un autre premier rôle avec Drone de Simon Bouisson, en salle le 2 octobre 2024.
Présenté au Festival du Film Francophone d’Angoulême 2024, Drone est attendu dans les salles françaises ce mercredi 2 octobre. Ce premier film de Simon Bouisson s’avère être un thriller (réussi) où une jeune femme, Émilie, se retrouve suivie par un drone qui se montre de plus en plus menaçant. L’occasion de s’entretenir avec la comédienne et danseuse Marion Barbeau, révélée en 2022 dans En Corps de Cédric Klapisch et qui tient ici un nouveau premier rôle.
- Marion Barbeau
- © 2004 Haut et Court. Tous droits réservés.
Drôle d’exercice pour une actrice que de construire une relation avec un drone… Comment vous y êtes-vous prise pour la rendre aussi crédible ?
Ce rôle impliquait de cultiver son imagination afin de rendre cette relation authentique, tour à tour bienveillante puis perverse. Il fallait se créer tout un contexte pour la faire exister. Finalement, cela s’est fait très naturellement avec le droneur qui pilotait la machine d’une manière très organique, presque animale. J’avais le sentiment que quelque chose de vivant me faisait face. Ce drone représente tellement de choses pour le personnage d’Émilie, ses pulsions, son ami imaginaire… Il la guide vers ses fantasmes, avant de se retourner contre elle.
C’est une fille qui se méfie de tout, notamment des hommes. On sent des traumatismes enfouis mais sans que rien ne soit jamais clairement révélé…
Il est à la fois beau et pudique que l’on ne parle pas de son passé. Néanmoins, dans la construction du personnage, j’ai imaginé les traumatismes qu’elle aurait pu endurer et qu’elle n’a pas encore réglés. D’où sa méfiance envers l’humanité, et les hommes en particulier. C’est quelqu’un d’isolé, de solitaire. Le film traite de cette solitude exacerbée par les machines et le numérique. Émilie est ambivalente, y compris dans son rapport à sa sexualité puisqu’elle la banalise en étant « cam girl », tout en se sentant relativement mal dans son corps. C’est génial de pouvoir faire coexister ces deux aspects de sa personnalité. Derrière son aspect fragile, se dessine une force grandissante au fur et à mesure du récit. Elle est victime d’une relation d’emprise dont elle se libère. Elle fait le choix de la lumière, de la tendresse, de l’humanité, en luttant contre le côté malsain et sombre du drone qui représente en quelque sorte son passé dont elle veut s’affranchir.
Votre formation de danseuse vous a-t-elle aidé dans l’aspect très physique du personnage et du tournage ? On pense notamment à cette scène où le drone vous poursuit dans un parking.
J’ai pu m’appuyer sur la rigueur et la discipline que j’ai toujours connues afin de tenir le coup tout au long du tournage qui s’est avéré très athlétique. La plupart des séquences ont été tournées de nuit. L’épuisement vous gagne vite mais cela aide à construire le personnage. Concernant la scène de poursuite, elle s’est construite de manière assez improvisée. Plein de choses impromptues sont arrivées, avec une chorégraphie qui s’est construite au fur et à mesure. Au-delà de la danse, c’est l’improvisation qui ma aidée car il fallait rester disponible et alerte sur ce que proposait le droneur.
Faites vous un parallèle entre la danse et la comédie ?
Le fait de connaître mon corps m’aide dans mon approche du jeu. Cela me permet de faire passer les émotions qui me traversent par le corps. J’essaye au maximum de vivre mes personnages par des sensations corporelles, par la connaissance de mon corps et ma faculté à le placer dans un espace. En termes de jeu pur, je suis entourée d’une coach qui m’aide à construire la psychologie de mes personnages, en amenant des choses vécues mais qui subsistent. Tout cela se fait à l’instinct et sans trop d’intellectualisation. J’ai remarqué que les émotions deviennent plus honnêtes et authentiques en mettant en place un vrai travail sur le souffle et la respiration. Un peu avant que je ne quitte l’Opéra Garnier, je jouais un spectacle de danse-théâtre. Le fait de passer sans transition d’une scène de danse pure à une scène de jeu, avec des dialogues, me plaçait dans cet état d’essoufflement et d’épuisement qui me permettait de me concentrer sur l’essentiel. Le relâchement vient par le souffle et l’épuisement. On n’a plus la force de s’accrocher à des choses aussi insignifiantes que notre apparence alors que c’est le personnage et l’histoire qui doivent primer sur tout le reste. De ce point de vue, Drone est un film intéressant pour dresser le parallèle entre la libération du corps que vit Émilie et ce que j’ai pu vivre dans la danse, en me débarrassant du carcan de la danse classique, et en passant par ce que j’explore depuis plusieurs années, en cassant les limites que je m’étais imposée par la danse classique.
- Marion Barbeau
- © 2004 Haut et Court. Tous droits réservés.
Comment abordez-vous le fait de savoir que votre carrière de danseuse finira probablement par s’arrêter un jour ou l’autre ?
Je le vis beaucoup mieux depuis que je suis partie de l’Opéra car je sais qu’il n’y aura pas cette bascule où, à quarante-deux ans, de nombreux danseurs vivent mal le fait de devoir raccrocher, avec la sensation qu’ils entament leur deuxième vie mais en étant convaincus que la première restera la meilleure. C’est horrible de se sentir perdu au milieu de sa vie. Alors qu’on peut danser différemment. Il faut juste adapter la danse à son corps. C’est moi qui déciderai quand je m’arrêterai et, sincèrement, j’espère danser jusqu’à la fin de ma vie. C’est pour cette raison que j’ai quitté l’Opéra. J’avais envie et besoin d’aller vers des chorégraphes qui n’ont pas leur place dans la programmation de l’Opéra. Et je souhaite continuer le cinéma et rester disponible autant que nécessaire. J’aime collaborer avec des chorégraphes qui créent leur premier spectacle. Tout comme j’aime accompagner un premier film. On y trouve une magie rare.
Qu’en est il de votre compagnie de danse, Alt. Take ?
À vrai dire, je l’ai créée en 2019 avec mon compagnon de l’époque, Simon Le Borgne, mais nous avons pris des chemins différents. Lui l’utilise pour ses créations mais, pour ma part, j’ai pris du recul et me contente d’être interprète. Même si j’ai toujours le rêve d’être créatrice. Je suis fascinée par les films de danse, même si je sais que c’est une niche mais certains sont magnifiques, en mêlant la danse et le théâtre. C’est mon rêve de m’inscrire dans de telles créations.
Et en conclusion, pouvez-vous nous parler de vos projets ?
Je joue actuellement une pièce intitulée takemehome puis prochainement une première œuvre de Laura Bachman, Ne me touchez pas. Je jouerai également Antigone à Rome et danserai avec Boris Charmatz en décembre à Pantin puis avec Raphael Schechter à Lyon en juin 2025. Côté cinéma, je tournerai prochainement les nouveaux films de Leyla Bouzid et Yann Gozlan, ainsi que le premier long métrage de Pauline Bureau.
Propos recueillis par Nicolas Colle
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