Le 29 janvier 2017


- Réalisateur : Idan Haguel
- Acteurs : Mohammad Bakri, Ilanit Ben-Yaakov, Galia Isay
- Genre : Drame
- Nationalité : Israélien
- Date de sortie : 1er février 2017
- Durée : 1h12min
- Festival : Festival de Berlin 2016
Provocant, à la fois insolite et poétique, Inertia est une véritable expérience cinématographique.
Résumé : Un matin, Mira remarque que son mari n’est plus là. Elle organise des recherches, mais commence peu à peu à s’adapter à la situation. Les problèmes commencent quand elle se rend compte qu’elle est beaucoup mieux sans lui.
Notre avis : Au petit matin, Mina s’éveille seule, dans un cri : elle a rêvé que son mari avait disparu. La réalité prolonge ce cauchemar. Mais de cet argument minimaliste, le film ne tire pas la quête fébrile que l’on attend, celle d’une femme éperdument à la recherche de celui qu’elle aime. Car la question n’est pas tant de savoir si Mina retrouvera Benny que de suivre cette héroïne dans un immense entre-deux qu’on ne saurait nommer attente. Rendue plus que condamnée à la solitude, le personnage semble flotter comme une algue, rêveuse, pas vraiment concernée par les démarches qu’elle effectue de façon mécanique : alerter à la police, placarder des avis de recherche. La caméra investit des scènes du quotidien, muettes, filmée à la Chantal Akerman, dans lesquelles des détails saisis en gros plan, rappelant le cinéma d’Hitchcock -comme un coin de table basse abîmée-, vont susciter la perplexité du spectateur.
Plus le film avance, plus on se dit qu’on tient là une grande oeuvre abstraite qui lorgne sur le fantastique au sens le plus todorovien du terme, puisque le naturel et le surnaturel se chevauchent, sans qu’il soit possible d’entremêler les fils : Mira prolonge-t-elle le rêve dont on la croit réveillée, hurlante et solitaire, et qu’elle continue pourtant de raconter à sa mère, évoquant la figure de Benny, anticipant la courte séquence où elle se laissera courtiser par un homme à la barbe blanche ? Ou est-elle sortie de cet immense océan dans lequel s’est englouti le cauchemar, mais pas plus vivante que le Meursault d’Albert Camus ?
(C) Wayna Pitch Distribution
Cette indécision permanente confère à ce film la dimension de l’absurde à la fois le plus angoissant et le plus grotesque. Par moment, on se croirait chez Beckett ou Ionesco, avec des personnages forcenés au sens le plus plein de terme, c’est-à-dire hors de sens, donc hors de contrôle : dans une scène quasi surréaliste, la mère de Mina raconte, très détachée, l’histoire d’une femme roumaine qui a tué, puis cuisiné son mari avant de le déféquer. Bière à la main, regardant l’épave d’un bateau qu’elle vient de fleurir en hommage à son défunt mari, elle s’étonne simplement du scrupule de la meurtrière qui a empêché le crime parfait. Dans ces circonstances, on ne s’étonne pas que le retour de Benny ne résolve rien : c’est un fantôme amnésique qui revient à la maison et pose à sa femme des questions auxquelles elle répond d’une manière complètement détachée.
(C) Wayna Pitch Distribution
Le premier film du réalisateur Idan Haguel s’avère incontestablement la marque d’un talent singulier.