Indigène d’Eurasie - La critique + Le test DVD

Le polar hyperréaliste et mélancolique de Sharunas Bartas s’avère un exercice de style séduisant mais ne convainc qu’à moitié.

L’argument : Gena est lituanien. Il réceptionne des colis dans les eaux françaises qu’il ramène à Paris où il est tombé amoureux de Gabrielle. Pour elle il voudrait s’installer à l’Ouest, mais pour cela il doit une dernière fois retourner en Russie, là où résident ses commanditaires et où tapine une autre fille, Sasha, qui a été sa maîtresse et qu’il ne sait pas oublier. Mais ce dernier voyage tourne au cauchemar...


Notre avis : S’il s’était déjà aventuré sur les terres du film de gangster au début de son précédent opus Seven invisible men, Šarūnas Bartas franchit délibérément le pas du polar avec un septième long-métrage qui rassemble tous les ingrédients du film noir : ambiances glauques de grands hôtels moscovites où règne la mafia russe, héros désabusé menant seul un combat perdu d’avance pour sa survie, femmes plus ou moins fatales, amis-ennemis (lesquels sont les plus dangereux ?), chasse à l’homme et règlements de comptes violents.

Certes les amateurs de son cinéma autiste et contemplatif ne seront pas totalement dépaysés et retrouveront dans Eurazijos aborigenas - Indigène d’Eurasie les longs silences et les espaces désertiques (et de préférence hivernaux) de ses films précédents.
Mais ici l’action prime sur la contemplation et la lenteur du rythme n’empêche pas que s’installe un suspens diffus et anxiogène. Bartas lui-même, fixant la caméra de ses yeux bleus et forçant sur le côté usé par la vie, fait un numéro d’acteur plutôt convainquant en desperado romantique et l’atmosphère glaciale dans laquelle baigne l’ensemble ne manque pas de cachet.
Mais autour du héros tourmenté, les personnages restent bien stéréotypés, y compris ceux incarnés par les deux remarquables actrices Elisa Sednaoui (Gabrielle) et Klavdia Korshunova (Sasha).

Quant aux allées et venues incessantes entre Paris, Moscou, Vilnius et l’Île d’Yeu, elles sont un rien fastidieuses et frôlent par moment le dépliant touristique.
Bref : tout cela tient un peu trop de l’exercice de style, certes brillant mais finalement assez vain. Si on se laisse volontiers captiver par ce polar mélancolique durant la projection, on en ressort à moitié convaincu par ce Bartas nouvelle manière.

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Le DVD

Arte Editions sort le 24 mai 2011 un DVD, privé de bonus mais d’excellente qualité, de ce film bien accueilli par la presse en décembre 2010 mais dont la carrière en salle fut modeste.

Les suppléments

Perdus en route.

Image

Le rendu de la superbe photo hyperréaliste signée par Bartas lui-même est irréprochable : netteté du détail, impression troublante de profondeur, magnifiques couleurs froides. On relèvera tout au plus quelques légers flottements de ci de là.

Son

La version 5.1 permet évidemment de se plonger à fond dans l’ambiance angoissante créée par une prise de son très élaborée, (ab)usant d’effets de spatialisation, et la belle musique triste signée Alexander Zekke. La version stéréo est très bien aussi.