Le 29 mai 2020
Une ode mélancolique, tout en délicatesse, d’une Russie que l’on ne connaît guère, à travers le portrait de deux couples ordinaires, rompus au mensonge de l’adultère et aux amours tristes. Un regard rare et sensible sur un immense pays dont on n’a en réalité qu’une vision que trop parcellaire.
- Réalisateur : Larissa Sadilova
- Acteurs : Egor Barinov, Yury Kisilyov , Valentina Kozova, Alexandra Bobkovskaya, Kristina Schneider, Maria Semionova
- Genre : Drame
- Nationalité : Russe
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 1h30mn
- Titre original : Odnazhdy v Trubchevske
- Date de sortie : 11 juin 2020
- Festival : Festival de Cannes 2019
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Résumé : Printemps, été, automne, hiver. Les jours s’égrainent harmonieusement dans un paisible village de Russie. Anna prend chaque semaine le bus pour aller vendre ses tricots à Moscou. Mais elle en descend après quelques virages. Le même jour, son voisin routier va charger son camion pour une longue semaine de voyage. Il s’arrête lui aussi immuablement à la sortie du village... Désir, amour, suspicion et badinage, rien ne peut rester longtemps secret...
Critique : D’abord il y a cette grande quiétude : le bruit délicat des cloches d’une église qui résonnent dans le lointain, des parents qui déposent leurs enfants à l’école, un adolescent qui circule à vélo dans des rues calmes, un pécheur au bord d’une rivière brumeuse. Et un jeune couple amoureux, des plus normaux. Lui est chauffeur-livreur et il arpente les paysages austères de la Russie avec son camion. A la sortie du village, il récupère son amante, sensée voyager à Moscou pour vendre des accessoires en laine. Le mensonge est universel, dès lors qu’il s’agit de tromperies et d’amours cachées. Mais la vérité ne tarde jamais à resurgir.
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Le cinéma russe nous a souvent habitués à une filmographie austère, dure, très souvent émaillée de paysages froids et gris. Larissa Sadilova s’introduit subtilement dans le quotidien de deux couples, dans un village tranquille et lumineux. A pas feutrés, la réalisatrice parle du mensonge et du doute qui étranglent les couples, dès lors que l’amour s’égare dans des aventures parallèles. Il y a un parti pris dans la mise en scène volontairement théâtral, où le drame côtoie le rire jaune. La tristesse aussi traverse ces histoires de vie, des plus banales, quand on ressent que sa vie peut basculer dans un ailleurs qu’on n’a jamais soupçonné. En fait, le film dénonce avec pudeur ces existences russes qui s’empêchent de liberté et de bonheur à cause du regard social, de la norme et du destin tout tracé à l’avance des gens. De l’extérieur, on serait tenté de juger ces héros du quotidien qui s’illusionnent ou s’interdisent de vivre leurs désirs. Et pourtant, il s’agit de chacun d’entre nous, enfermés dans des schémas que nous nous imposons parfois.
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La réalisatrice évite le psychodrame. Son regard ne condamne jamais. A la façon d’une sociologue, elle s’invite dans la banalité de ces parcours ordinaires, tels qu’il y en a partout à travers le monde. On pleure en silence. On s’invente des stratagèmes imbéciles au lieu d’assumer ses mensonges. On faillit à la cruauté de la jalousie. Bref, cet Il était une fois dans l’Est pourrait être l’histoire de tous les couples du monde, quand le désir s’estompe ou que l’amour se surprend avec d’autres que ceux avec qui la norme sociale nous impose de rester. La réalisatrice habite son récit des cris de coq, du bruit des rues, des clochers qui sonnent, des fanfares populaires. Elle témoigne de l’histoire contemporaine de la Russie, avec ces gens âgés qui ont connu le régime soviétique. Derrière la grande Histoire, il y a la petite histoire de chacun d’entre nous, le récit de nos névroses et de nos hésitations, le poids de la culpabilité, et au bout du compte, la solitude et le regret. Et peut-être aussi l’envie de ne pas blesser celles et ceux qu’on a aimés.
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Il était une fois dans l’Est a été réalisé sans aucune aide de l’Etat, à partir d’un récit véritable d’un couple que la réalisatrice a connu dans leurs allers-retours entre Moscou et un village de province. Le ton n’en est que plus libre. En quelque sorte, le film brave les interdits moraux qui pèsent sur la société russe, en choisissant une photographie épurée et très belle. La plupart des comédiens ne sont pas des professionnels, ce qui apporte au long-métrage une remarquable authenticité. La réalisatrice ne renonce jamais à la beauté. Au contraire, elle la sublime dans ces personnages touchants, remplis de poésie et de mélancolie.
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