Le 22 août 2016
Ce film de prestige a terriblement mal vieilli, à l’image de l’interprétation compassée.
- Réalisateur : André Haguet
- Acteurs : Jeanne Moreau, Pierre Fresnay, Jean Debucourt, Raymond Rouleau
- Genre : Biopic, Historique, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Durée : 1h35mn
- Date de sortie : 14 novembre 1952
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Pasteur et médecin, le docteur Albert Schweitzer se rend au Gabon où une grande partie de la population souffre de malaria. Reconnu de tous, il se voit néanmoins contraint de quitter le pays en 1914 à cause de ses origines allemandes. A la fin de la guerre, il y retournera pour continuer son travail.
Notre avis : On a aujourd’hui oublié aussi bien la pièce de Cesbron, dont est tiré ce film, que la personnalité même du Dr Schweitzer qui jouit, paraît-il d’une grande notoriété encore actuellement au Gabon. Se replonger dans ce long-métrage de 1952, c’est découvrir ce que Truffaut appelait avec mépris la « Qualité française » : origine théâtrale prestigieuse, personnage quasi-sanctifié, sociétaires de la Comédie-Française, et surtout, la vedette de l’époque, Pierre Fresnay. Mais le temps a passé, et Fresnay est devenu le premier obstacle du film : cabotin, affublé d’un épouvantable accent alsacien, pontifiant, il prend des poses, ferme les yeux, débite des dialogues comme s’il s’agissait de vérité révélée. On peine à comprendre l’engouement du public à son égard, mais on sait par ailleurs que, dans d’autres films, sous d’autres directions, il a été par exemple l’admirable héros du Corbeau ou le désinvolte détective de L’Assassin habite au 21. Comme par contagion, les comédiens qui l’entourent sont raides, engoncés dans leurs costumes et prisonniers de répliques injouables. Même Jeanne Moreau, qui sera tellement plus libre quelques années plus tard, récite, les yeux au loin, la moindre de ses phrases avec componction. Les seconds rôles sont à l’unisson, dans un jeu qui nous paraît antédiluvien. Sans doute la direction d’acteurs y est-elle pour beaucoup, et André Haguet, humble réalisateur de quelques films bien oubliés, leur lâche la bride sans limiter leur effroyable théâtralité.
Il échoue de la même façon à dynamiser une histoire bavarde et singulièrement lente. Péripéties médiocres, inexistence des personnages et surtout, pour nous, insupportable paternalisme : les Noirs sont paresseux, stupides et il faut patiemment les guider… Le film est à ce titre un remarquable document sociologique, qui révèle une mentalité et des conceptions tellement « naturelles » qu’elles forment un simple arrière-fond.
Même la fin du film, qui devrait être à la fois un moment d’émotion (la déclaration de guerre, le père Charles en danger) ou de réflexion sur l’absurdité du conflit qui se prépare est gâchée par une raideur empesée, un statisme boursouflé qui font de chaque séquence une caricature de sérieux et de grave. D’autant que le « grand docteur blanc » est tout d’une pièce, sans part d’ombre : un bienfaiteur patient et dévoué que, sans doute pour compléter la panoplie du saint, le scénario prive de sa femme (une voix-off le précise au début).
On entrevoit par instants ce que le film aurait pu être, quand Haguet oublie d’être sérieux (tel plan de deux garnements volant une boisson à la paille) ou qu’il fait un peu confiance à l’image (la lanterne soufflée, les pirogues fendant l’eau). Plus libre, moins pompeux, moins prisonnier de dialogues d’un lyrisme convenu, Il est minuit Dr Schweitzer eût été un témoignage précieux, une réflexion sur l’engagement, un biopic émouvant… Restent quelques plans, quelques rares idées, et c’est bien peu.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.