Le 9 juillet 2022
Dans la carrière de Joe Dante, Hurlements occupe la deuxième place, entre Piranhas, le premier film au succès surprise et Gremlins, celui de la consécration, qui fait de lui un cinéaste convoité par les studios hollywoodiens. Une place particulière donc, qui se traduit par une œuvre bancale, oscillant entre la série B un peu poussive et le film d’horreur efficace au discours percutant.
- Réalisateur : Joe Dante
- Acteurs : John Carradine, Dee Wallace, Dick Miller, Kevin McCarthy, Christopher Stone, Patrick Macnee, Robert Picardo
- Genre : Fantastique, Épouvante-horreur
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Splendor Films , UGC Distribution
- Durée : 1h31mn
- Reprise: 13 juillet 2022
- Titre original : The Howling
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 21 juillet 1981
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– Sortie en version restaurée : 13 juillet 2022
Résumé : Karen White, une présentatrice de télévision, fait une pause dans sa carrière à la suite d’un incident traumatisant avec un tueur en série. La police a pu la sauver en tuant le dangereux individu. Mais Karen est-elle réellement en sécurité ? Sur les conseils du docteur George Waggner, elle rejoindra "La Colonie", un centre de repos où vivent toutes sortes d’énergumènes.
Critique : Hurlements est construit en deux parties distinctes. La première, assez courte, se déroule dans le Los Angeles des années 80 et suit Karen White (Dee Wallace), une journaliste de Los Angeles en reportage, qui cherche à entrer en contact avec un tueur en série qu’elle séduit et provoque, tout en étant suivie par la police.
D’emblée, le spectateur est frappé par la modernité de la mise en scène, qui montre un univers urbain glauque et crade, filmé dans un halo de néons blafards. On pense irrémédiablement à Scorsese et son Taxi Driver, ou encore à Hardcore de Paul Schrader, ces films qui ont fait de New York le reflet de leurs propres névroses.
Et lorsque l’héroïne entre dans une cabine de sex-shop pour y retrouver le tueur qui l’oblige à regarder un film porno particulièrement violent, c’est à De Palma que l’on songe, et à son voyeurisme ambigu.
Dans le même temps, sur le plateau télé qui suit en direct le reportage de Karen ou dans la salle d’écoute de la police, des hommes en costume et à l’air sérieux échangent des propos lénifiants sur des sujets techniques. Découpées de façon très classique, ces scènes offrent un contraste saisissant avec celles de la rue : deux mondes que tout oppose, celui, policé, de la représentation sociale et l’autre, celui des pulsions troubles. Le tout ponctué du discours du professeur Waggner (Patrick Macnee), qui appelle à ne jamais nier « l’animal qui est en nous ».
- Crédit photo : Splendor Films
La trame du film est là, dans ce combat entre l’acquis et l’instinct, entre la sophistication et le primitif, que l’être humain porte en lui depuis la nuit des temps. Un propos que Joe Dante affirmera dans la seconde partie du film, lors de laquelle apparaitront les vrais loups-garous. Une partie plus classique dans la mise en scène de l’horreur, mais assez audacieuse et novatrice dans sa représentation du lycanthrope.
Traumatisée par son expérience, Karen décide d’aller se reposer avec son mari Bill (Christopher Stone) dans une sorte de centre dirigé par le docteur Waggner, "La Colonie". Peuplée en apparence de braves Américains plein d’empathie et de gentillesse, qui organisent des barbecues sur fond de concert country, cette communauté est en fait un repaire de loups-garous, bien décidés à accueillir de nouveaux membres par leurs morsures fatales.
L’opposition entre la civilisation et la sauvagerie, théorisée au début du film par le docteur Waggner, trouve ici sa représentation parfaite, les membres de "La Colonie" étant bien décidés à vivre sans entrave leur bestialité.
De nouveau, Hurlements offre des moments de cinéma d’une beauté stupéfiante.
Il y a bien sûr les scènes mythiques de transformation en loup-garou. Véritables prouesses techniques aux effets spéciaux époustouflants, elles ont aussi cette capacité à saisir – notamment dans leur durée – le caractère libérateur de la mutation. Devenir un loup-garou, c’est assumer sa part d’animalité et retrouver le plaisir de la chair à dévorer et la puissance de la sexualité (y compris à travers l’adultère). Pour les membres de "La Colonie", la civilisation et ses principes ne sont en fait qu’une entrave aux instincts primaires, dont la libération leur permet de retrouver le goût de la vie.
D’une manière plus générale, cette deuxième partie baigne dans une ambiance onirique superbement rendue grâce à la qualité de la photo et de la musique, dans un décor dont les brumes mystérieuses influent directement sur le mental tourmenté de l’héroïne.
Enfin, les scènes d’action sont filmées avec une indéniable efficacité, notamment toutes celles de la fin, lorsque les loups-garous se dévoilent et que les conflits se déchainent.
- Crédit photo : Splendor Films
Oui, mais voilà, si la pertinence du propos et l’efficacité de la mise en scène ne font aucun doute, la narration n’est malheureusement pas à la hauteur de l’ambition. Baisse de rythme et récit parfois mené sans grande conviction, approximation scénaristique, personnages sans trop d’intérêt (le tandem de journalistes enquêteurs, le rédacteur en chef) : tous ces éléments donnent au film un coté atone assez désagréable.
Comme il l’a fait tout au long de sa carrière, Joe Dante cherche un équilibre entre l’horreur et l’humour, entre la peur frontale et la distanciation cinéphilique. Or si ce parti pris fonctionne dans Gremlins ou Piranha, ce n’est pas vraiment le cas ici, ce qu’illustre parfaitement l’enchainement de la séquence finale.
Ainsi, après une scène très émouvante et fiévreusement interprétée par Dee Wallace, avec laquelle Dante pose clairement la question d’accepter ou non sa propre bestialité intérieure, le film enchaîne avec une pirouette gratuite qui dénature complètement son propos.
Bien sur, ce genre de procédé est courant dans le cinéma d’horreur et sa fonction est justement de désamorcer la tension accumulée tout le long du film. Sauf que dans Hurlements cela ne fonctionne pas. Devenir un loup-garou est une épreuve traumatisante et finalement sans issue, cela n’a rien à voir avec le fait de commander un hamburger saignant dans un restaurant.
Pour l’anecdote, le mentor de Rob Bottin, créateur des effets spéciaux sur Hurlements, n’est autre que Rick Baker, mobilisé lui sur l’autre grand film de loup-garou de l’époque, Le Loup-garou de Londres de John Landis, sorti la même année. Les deux films présentent de nombreux points communs, mais on doit reconnaître que, si l’approche thématique de Joe Dante est plus riche et plus profonde, l’œuvre de Landis, davantage équilibrée et cohérente, est un cran au-dessus.
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