Identité européenne
Le 27 septembre 2020
Récit de deux couples en exil, cette première coproduction serbo-albanaise est un modèle de construction narrative et un antidote aux discours xénophobes ambiants.


- Réalisateur : Goran Paskaljević
- Acteurs : Lazar Ristovski, Nebojsa Milovanovic , Jelena Trkulja , Josef Shiroka , Mirela Naska
- Genre : Drame
- Nationalité : Serbe, Albanais
- Distributeur : Eurozoom
- Durée : 1h35mn
- Titre original : Medeni mesec
- Date de sortie : 23 décembre 2009

L'a vu
Veut le voir
Résumé : Dans l’espoir d’une vie meilleure, deux jeunes couples quittent leurs pays respectifs. Melinda et Nik quittent l’Albanie en bateau pour l’Italie, afin de vivre leur amour interdit. Vera et Marko, quant à eux, quittent la Serbie, en train, pour l’Autriche, via la Hongrie. Marko, violoncelliste talentueux, a la possibilité d’intégrer le fameux orchestre philarmonique de Vienne. Mais, à leur arrivée à la frontière, bien qu’ils aient des visas en règle, les problèmes des deux couples commencent, en raison de la coïncidence d’un attentat déroulé la veille au Kosovo...
- © Eurozoom
Critique : Auteur de l’onirique Anges gardiens (1987) et du stupéfiant film choral Baril de poudre (1998), Goran Paskaljevic a connu lui-même des années d’exil en France avant de retrouver sa Serbie natale et d’y tourner partiellement Honeymoons, première coproduction de ce pays avec l’Albanie. La construction narrative est remarquable : la première demi-heure conte les déboires d’une famille rurale se déplaçant à Tirana pour assister au mariage de cousins nouveaux riches. La critique sociale est acerbe, de la description de la téléréalité prête à tout pour émouvoir le grand public, au racisme insidieux des blagues de banquet, en passant par ces inégalités criantes qui se déploient au sein même d’une fratrie ; la seconde partie fait écho à l’acte un, l’autre couple, dans un autre pays, se rendant également à une noce avant de choisir l’exil. La dernière demi-heure alterne les deux récits à partir du moment de la volonté de départ. Là, le cinéaste s’avère encore plus incisif en pointant du doigt les incompétences des services douaniers et la stigmatisation de certaines populations. Si certaines séquences sont excessives (l’escroc qui dépouille Melinda), l’auteur peint avec humanité ces exclus de l’immigration choisie auxquels on refuse, par idéologie ou paranoïa, l’opportunité de l’intégration. Mais jamais Paskaljevic ne cède aux sirènes de la sensiblerie, préférant l’humour grinçant et l’ellipse aux lourdeurs démonstratives. Signalons aussi une partition musicale enlevée, de concertos pour violoncelles à des chants locaux, et des acteurs inspirés, dont le tonitruant Lazar Riztovski, fidèle du réalisateur et de Kusturica. Antidote aux discours xénophobes ambiants, ce film pourrait former un triptyque involontaire sur l’immigration, avec les excellents Welcome et Pour un instant la liberté.
– Thessaloniki Film Festival 2009 : Prix du public
– Valladolid International Film Festival 2009 : Golden Spike