Le 21 mars 2023
Premier long métrage d’une jeune réalisatrice grecque, Holy Emy surprend d’un point de vue formel tout en laissant un goût d’inachevé en termes de narration. Mais le film est suffisamment troublant pour que l’on suive avec attention la carrière d’Araceli Amos.
- Réalisateur : Araceli Lemos
- Acteurs : Angeli Bayani, Abigael Loma, Hasmine Kilip, Mihalis Siriopoulos, Irene Inglesi
- Genre : Drame fantastique
- Nationalité : Grèce
- Distributeur : Utopie Films
- Durée : 1h51mn
- Titre original : Agia Emi
- Date de sortie : 22 mars 2023
- Festival : Festival de Locarno 2021
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Résumé : Emy et sa sœur, Teresa, sont toutes deux membres de la communauté philippine catholique du Pirée en Grèce. Mystérieusement, Emy connaît des épisodes hémorragiques inattendus. Teresa décide de la cacher du monde extérieur afin de la protéger. C’est alors que Teresa rencontre Argiris et tombe enceinte de ce dernier. Emy décide d’abandonner leur nid et trouve un emploi dans la mystérieuse villa d’une femme plus âgée, où sa mère travaillait auparavant…
Critique : Sorti sur les écrans quelques semaines après Aftersun, Holy Emy présente de nombreuses similitudes avec le film de Charlotte Wells. Premières réalisations de deux jeunes cinéastes, les films ont en commun un caractère à la fois audacieux, déroutant et un peu maladroit. Avec en supplément pour Holy Emy, une ambiance particulièrement dérangeante, aux frontières du cinéma d’horreur.
L’audace de Holy Emy se trouve en premier lieu dans la mise en scène, qui multiplie les angles de prises de vue et n’hésite pas à marier caméra à l’épaule au plus près des visages et plans d’ensemble au cadrage sophistiqué. Cela favorise l’ambiance trouble voulue par la cinéaste et surtout lui permet d’affirmer avec conviction son propos sur les immigrés philippins en Grèce. Le film mélange ainsi des scènes très naturalistes sur les coutumes philippines et des images plus classiques sur les paysages grecs (quartiers résidentiels, plages...), montrant très bien l’ambigüité des rapports, entre intégration et exploitation.
Holy Emy est également audacieux dans sa narration et, à ce titre, ne ménage pas le spectateur. Ellipses, brusques ruptures de ton, le film est sur le fil du rasoir et totalement imprévisible. Comme cette histoire d’amour entre Teresa (la sœur d’Emy) et un ouvrier grec, à la fois improbable et terriblement banale et qui se termine de façon surprenante. Ou encore ce décalage entre la trivialité de certaines situations et le kitch des rituels de cette communauté très pratiquante. Ainsi lorsque Teresa se plaint à sa tante de douleurs au ventre, peut être provoquées par le démon qui pourrait habiter Emy, pendant que celle-ci entonne avec une chorale une chanson religieuse à la limite du ridicule.
- Copyright Utopie Films
Mais si ce parti pris concourt à l’originalité du film, il en montre aussi un peu les limites. Comme dans Aftersun, il manque quand même quelques repères narratifs qui, précisément, auraient permis de donner une dimension plus explicite et finalement plus efficace. Surtout sur un sujet aussi original, qui aurait mérité plus d’attention (qui sont au fond ces Philippins ? Pourquoi la Grèce ? Qu’est-il arrivé exactement à la mère des deux sœurs ?).
Enfin, Holy Emy joue la carte d’un cinéma organique, qui n’est pas sans rappeler celui du Cronenberg des débuts. La peau, la chair, le sang sont omniprésents et constituent même une part importante du lien qui unit les deux sœurs (avec une scène d’accouchement particulièrement éprouvante). Mais encore une fois, si quelques scènes sont vraiment impressionnantes et particulièrement dérangeantes, plongeant le spectateur dans une sensation d’inconfort, l’absence d’un enjeu narratif fort affadit quelque peu le dessein du film.
Au final, Holy Emy laisse une impression mitigée mais suscite quand même un intérêt certain quant à l’avenir d’une réalisatrice dotée d’une sacrée personnalité et qui n’a pas froid aux yeux !
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