La drogue, c’est mal
Le 8 juillet 2019
La mise en scène et les prestations d’actrices sont focalisées sur les frasques hystériques du personnage principal. Mais lorsque cette hystérie rend cette femme antipathique, le spectacle lui-même ne tarde pas à paraître éreintant.
- Réalisateur : Alex Ross Perry
- Acteurs : Elisabeth Moss, Agyness Deyn, Dan Stevens
- Genre : Drame, Musical
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Potemkine Distribution
- Durée : 2h14mn
- Date de sortie : 17 juillet 2019
Résumé : Becky Something est une superstar du rock des années 90 qui a rempli des stades avec son girls band : "Something She". Quand ses excès font dérailler la tournée nationale du groupe, Becky est obligée de compter avec son passé tout en recherchant l’inspiration qui les a conduites au succès.
Notre avis : Le réalisateur Alex Ross Perry évoque au gré de ses interviews le nom des stars du rock dont elle s’est inspirée pour imaginer Becky Something. Il n’est toutefois pas forcément bon de savoir qui a, bien malgré soi, stimulé la caractérisation de cette chanteuse, tant celle-ci est tout bonnement insupportable. Ce qualificatif, à propos d’un personnage de cinéma, serait habituellement une terrible attaque au travail d’écriture de son scénariste, voire de l’acteur, mais en l’occurrence le caractère odieux de cette star du punk féministe est pleinement déterminé de la part de l’auteur, ainsi que le résultat d’un travail impressionnant d’Elisabeth Moss (connue pour son rôle, à l’inverse tout en retenue, dans The Handmaid’s Tale).
L’idée de construction, très inspirée d’un modèle sériel, est similaire à celui avec lequel Danny Boyle avait structuré son biopic Steve Jobs, à savoir en chapitrant sa narration entre plusieurs moments clés de la vie de son personnage. Ici, la composition est de cinq phases (un schéma moins classique que les trois actes choisis par Boyle), qui ont en commun d’être situées dans un espace clos, ainsi que leur durée d’environ 25 minutes chacune, ce qui nous permet de suivre, en particulier pour les trois premières, les pires excentricités ainsi que les difficiles rapports sociaux de ce leader d’un groupe de rock. Un autre personnage, Mari, elle aussi membre du groupe, est présente dans ces cinq saynètes. Elle permet aux spectateurs de compenser l’absence de fil conducteur attachant, puisque c’est pour elle qu’il est le plus facile de prendre parti lors de leurs violentes empoignades à travers lesquelles on les découvre.
- Copyright Potemkine Films
La mise en scène prend d’ailleurs, au gré de ces trois premiers chapitres, de plus en plus de recul vis-à-vis de Becky. Il faudra en fin de compte attendre le quatrième acte, soit après plus d’une heure de hurlements loin d’être agréables à encaisser, pour que le film nous permette de nous attacher un minimum à elle. Il apparaît donc que la finalité de Ross Perry n’est pas de faire d’elle une femme désorientée dont on aimerait pardonner toutes les lubies, mais bien d’étudier l’évolution des relations de ce personnage antipathique avec les gens qui l’entourent, qu’il s’agisse des autres rockeuses, de son producteur, de sa mère, de son mec ou encore de sa fille. Néanmoins, l’écriture comme la réalisation, en se concentrant sur cette chanteuse imbuvable ne parviennent pas à approfondir ces personnages secondaires. Il est d’ailleurs bon de noter que Cara Delevingne, dont la présence semble pourtant être un des principaux arguments commerciaux du film, n’a que très peu droit à la parole.
- Copyright Potemkine Films
Les mouvements de caméra qui appuient le sentiment d’étouffement des huis clos, le mixage sonore qui, dans le premier acte, nous fait partager l’effet des drogues hallucinatoires, mais surtout les quelques lignes de dialogues –principalement dans le deuxième acte– qui interrogent sur l’impossibilité de cumuler la gloire et l’esprit anticonformiste propre aux punks, sont finalement les meilleures réussites de ce film.
En revanche, les vociférations, qu’elles soient puériles, nombrilistes ou autodestructrices, de Becky qui alimentent les trois premiers chapitres, et pour lesquels les deux suivants, plus apaisés, ne suffisent pas à la faire remonter dans notre estime, ont pour principal effet de rendre l’ensemble terriblement éprouvant. Mais quand bien même ce sentiment désagréable serait volontaire de la part du réalisateur, on pourrait se demander si ce n’est pas du mouvement punk-féministe, dans sa globalité, qu’il veut donner une image détestable. Dès lors, il ne fait pas bon en être fan, pour s’essayer à ce long métrage hors du commun.
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Ogma40 16 juin 2019
Her Smell - la critique du film
Alex Ross Perry, réalisatrice ? Il va être content :)
C’est vrai qu’écrire des personnages mal aimables est une de ses caractéristiques (Listen up Philip par exemple). Mais, quand même envie de voir le film juste pour constater la rupture formelle avec ses précédents opus.
Julien Dugois 16 juin 2019
Her Smell - la critique du film
Oups, grosse gaffe ! Merci de m’en avoir averti peu de temps après la publication de l’article. Maintenant que j’ai corrigé, je vais être hanté par l’idée de comprendre ce qui m’a rendu convaincu que le film avait été réalisé par une femme. C’est vrai que le prénom Alex n’est pas forcément masculin, mais ça ne peut pas être que ça. Je vais me replonger dans le dossier de presse, voir si je retrouve l’élément qui a pu me mettre ça en tête. Encore merci.