Le 29 juin 2022
L’édition du manuscrit inédit de Louis-Ferdinand Céline nous met dans les pas d’une écriture sans concession au service d’un récit intense. Un événement !
- Auteur : Louis-Ferdinand Céline
- Editeur : Editions des Saint-Pères
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 20 mai 2022
- Plus d'informations : Le site officiel de l’éditeur
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- Copyright Éditions des Saints Pères
Critique : Revoilà Louis-Ferdinand Céline et son double littéraire Ferdinand Bardamu, dans un nouveau récit intense, dont la publication a été l’un des événements littéraires de ces derniers mois, après sa réapparition en 2021. Guerre fait partie de ces milliers de pages inédites laissées par l’écrivain à son domicile de la rue Girardon, après son départ précipité en 1944. La guerre s’achève, l’épuration commence. L’auteur de Mort à crédit, antisémite notoire, est en fuite vers l’Allemagne avec son épouse Lucette et son chat Bébert.
Rédigé deux ans après Voyage au bout de la nuit, le texte de Céline se présente sous la forme de deux cent dix-neuf feuillets. Il est amputé des neuf premières pages, jamais retrouvées, et constitue un témoignage poignant sur l’expérience traumatisante de la Première Guerre mondiale, dont Ferdinand revient gravement blessé comme Céline lui-même, engagé dans le 12e régiment de cuirassiers dès 1912, lourdement atteint au bras lors d’une mission difficile accomplie en Belgique.
- Copyright Éditions des Saints Pères/Gallimard
L’histoire débute par la convalescence du soldat Bardamu, racontée à la première personne. Les premiers mots frappent par leur réalisme, unissent, dans un syncrétisme saisissant, les sensations intimes du corps martyrisé à la fureur environnante des combats ("J’ai dormi dans ce bruit et puis il a plu"). L’écriture de Céline, traversée de fulgurances stylistiques, se déploie à travers une graphie assurée. Quelques corrections au crayon à papier viennent étoiler le manuscrit, notamment au début de l’histoire. Seul sur le champ de bataille, le soldat blessé tente de survivre, sans se départir de son ironie cynique. L’argot, souvent métaphorique, vient percuter la langue comme une balle tirée à bout portant ("soutenus par des roulettes qui poussent tout le hachis vers le gros pilon pour cons"), quand il ne pulvérise pas la syntaxe, tel un obus ("c’était plus même un malheur qu’on peut appeler ça").
- Copyright Éditions des Saints Pères/Gallimard
Lesté par son errance sans fin en forme de chemin de croix, le narrateur privilégie une autodérision amère ("mais je suis pas si con puisque j’ai si mal") que la main ferme de l’auteur ne rectifie pas. Le premier jet de l’écriture témoigne ainsi d’une capacité extraordinaire à condenser l’horreur et l’absurdité d’un destin à travers des formules acérées. Les exhalaisons putrides de la guerre accroissent la folie du héros et sa volonté de poursuivre le combat, en dépit de son état. Les mots enflent. Moins nombreux, ils occupent toute la page, lorsque les ardeurs de Ferdinand transforment sa parole en vociférations hallucinées. La suite du récit est peuplée de personnages typiquement céliniens, dont une infirmière grivoise qui prend en charge le combattant, ou le souteneur Bébert.
La mort et la sexualité ont toujours figuré dans l’œuvre du docteur Destouches. Ils sont ici portés à un haut degré d’incandescence littéraire, que cette édition impeccable du manuscrit permet d’apprécier, même si l’écriture parfois filiforme de l’auteur nécessite un effort de concentration.
264 pages - 25 x 35 cm
Reliure gris anthracite
Papier Fedrigoni Avorio
160 €
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