Le 18 février 2024
Dans la continuité de ses grandes œuvres politiques et humanistes, Agnieszka Holland franchit encore un pas vers une tentative de réparation aux discriminations et aux barbaries qui balayent le monde.
- Réalisateur : Agnieszka Holland
- Acteurs : Maja Ostaszewska, Jalal Altawil, Behi Djanati Ataï, Mohamad Al Rashi, Dalia Naous
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français, Polonais, Belge, Tchèque
- Distributeur : Condor Distribution
- Durée : 2h32mn
- Titre original : Zielona granica
- Date de sortie : 7 février 2024
- Festival : Festival de Venise 2023
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Résumé : Ayant fui la guerre, une famille syrienne entreprend un éprouvant périple pour rejoindre la Suède. À la frontière entre le Belarus et la Pologne, synonyme d’entrée dans l’Europe, ils se retrouvent embourbés avec des dizaines d’autres familles, dans une zone marécageuse, à la merci de militaires aux méthodes violentes. Ils réalisent peu à peu qu’ils sont les otages malgré eux d’une situation qui les dépasse, où chacun - garde-frontières, activistes humanitaires, population locale - tente de jouer sa partition...
Critique : Agnieszka Holland est au cinéma ce que Zola a été à la littérature. Une nouvelle fois, la très grande réalisatrice s’enfonce dans un récit très documenté et vertigineux, où elle parvient à figer les démolitions dont notre humanité est parfois capable. Depuis quelques années, avec Le procès de l’herboriste et L’ombre de Staline, la cinéaste tente de rendre justice à tous ces peuples que les abus politiques de toutes sortes ont réduit à l’ignominie. Elle offre ainsi un film dense, dans un noir et blanc très beau, qui suit, tentatives après tentatives, les flux migratoires de familles entre la Biélorussie et la Pologne, afin de trouver la paix. Ces migrants ne traversent pas le monde parce qu’ils auraient soif de la richesse de nos pays occidentaux. Ils renoncent à tout ce qu’ils possèdent dans leur pays d’origine parce que les dictatures qui hantent leur pays empêchent la liberté, l’épanouissement et surtout entravent leur sécurité physique et morale.
- Copyright Agata Kubis / Piffl Medien
Indiscutablement, Green Border est un film militant. Le Prix du Jury amplement mérité à Venise en 2023 témoigne d’une attention certaine que le peuple européen, de plus en plus revendicatif d’une fermeture des frontières et d’un retour à des États autoritaires, doit porter à ce qui se joue à la porte de nos pays. La barbarie ne relève pas du seul apanage de ces nations éloignées dont la presse quotidienne nous dépeint l’horreur. L’inhumanité se joue au cœur même des démocraties européennes, la Pologne en l’occurrence, qui use, avec son voisin biélorusse, de la détresse des migrants pour faire valoir un discours politique réactionnaire. Agnieszka Holland ne s’embarrasse d’aucun effet de style, d’aucun relent romantique, pour décrire une situation terrible où la police et l’armée polonaises et biélorusses se renvoient les populations migratoires d’un bout à l’autre de leurs frontières, quand elles ne les assassinent pas dans la barbarie la plus totale.
- Copyright Agata Kubis / Piffl Medien
Le choix du noir et blanc vient finalement écrire un discours universel, qui s’est opéré pendant la Seconde Guerre mondiale, et se perpétue indéfiniment contre toutes les populations perçues comme les ennemis du nationalisme. Certes, des activistes essayent de secourir les concourants à une place en Europe, mais eux-mêmes sont enfermés dans leurs propres contradictions. La fiction fonctionne comme un récit choral où la réalisatrice donne la parole aux migrants eux-mêmes, aux bourreaux au service de l’État polonais ou biélorusse, aux militants et plus largement aux peuples censés accueillir les candidats à l’exil. Cela donne un film âpre, majestueux, que la mise en scène élève dans une dimension quasi spirituelle. Le spectateur est convoqué sur le banc des accusés et des accusateurs, interrogeant la probité des institutions européennes, son silence qui a peut-être été celui de la majorité des Français ou des Allemands pendant que les juifs se faisaient arrêter pour disparaître dans les camps de la mort.
À l’exception de l’épilogue quelque peu contestable dans son positionnement, Green Border apparaît comme un film nécessaire, d’utilité publique. Il réveille les consciences dans un langage cinématographique ample et généreux. Plus que jamais, les salles doivent continuer de se remplir, pourvu que le film retire l’envie aux spectateurs de donner son bulletin de vote pour des dirigeants extrémistes.
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