Le 19 décembre 2018
Orchestrée avec une discrète virtuosité, cette œuvre de Hong Sang-soo, à la durée ramassée, développe des thèmes riches et complexes.
- Réalisateur : Hong Sang-soo
- Acteurs : Jeong Jin-yeong , Kim Min-hee , Kwon Hae-hyo
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : Les Acacias
- Durée : 1h06
- Date de sortie : 19 décembre 2018
- Festival : Festival de Berlin 2018
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Résumé : Au bout d’une allée, un café que personne ne s’attendrait à trouver. Les gens s’assoient et parlent de leur vie. Au fil du temps, les clients se côtoient et apprennent à se connaître. Une femme les observe et semble mettre par écrit leurs pensées. La nuit commence à tomber mais tous restent dans le café.
Notre avis : Dans ses derniers films, Hong Sang-soo s’est attaché à décrypter les rouages secrets de l’amour entre les êtres. Et si souvent cela se complique d’une troisième personne venant dérégler les habitudes installées, c’est qu’au final il vaut mieux en souffrir que de ne pas le connaître du tout. L’amour étant pour lui ce que l’on éprouve de plus fort dans nos vies, chaque film est une occasion de scruter la façon dont les personnages se débattent avec.
- © 2018 Les Acacias. Tous droits réservés.
Grass procède par couche à partir d’un argument très simple, Areum (Kim Min-hee) écrit dans un café et s’inspire des discussions captées autour d’elle. À chaque fois, ce sont des couples de femmes et d’hommes que les circonstances ont réuni là, sans que ces personnages ne vivent forcément ensemble. Ce qui apparaît au fil de ces discussions, c’est la solitude qui les ronge. Un acteur sans travail implore une femme que visiblement il ne connaît pas beaucoup d’aller vivre chez elle à la campagne, un autre acteur devenu scénariste aborde une autre jeune scénariste et lui demande de s’enfermer avec lui pendant quelques temps pour écrire ensemble ; deux amis, lui visiblement confortable dans sa vie, elle un peu perdue, se déchirent au sujet de la mort de la compagne du premier…
Toutes ces petites histoires se font écho et viennent se refléter sur le visage de Kim Min-hee, observatrice qui absorbe, se nourrit de ces moments pour écrire ses propres personnages. En évitant l’attendu champ-contrechamp, il glisse d’un personnage à l’autre en plan-séquence, ne filme qu’une femme tandis que l’homme alcoolisé qui lui jette des reproches reste en amorce puis se transforme en ombre, et il utilise l’espace exigu des lieux comme s’il s’agissait d’un espace mental.
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Car justement là où le cinéaste complique l’affaire, c’est qu’il n’est jamais tout à fait certain que ces personnages existent dans le film où ne sortent en fait de l’imagination d’Areum. Déjà dans sa première partie, à l’intérieur d’un café que « personne ne s’attendrait à trouver », où la caméra glisse d’Areum dans ses pensées à la table d’à côté où se joue la petite pièce. C’est comme si les personnages prenaient forme depuis son imagination. De plus, les similitudes que l’on remarque dans les histoires semblent conforter dans cette voix, où peut-être est-ce une façon qu’à le cinéaste de souligner l’universalité des situations. Enfin, la musique du film, diffusée en fait dans le café, semble appuyer un peu trop et avec un peu trop d’ironie les discussions et les disputes.
Une rupture se fait en milieu de métrage, quand Areum sort du café pour aller au restaurant avec son frère et sa future femme. Le personnage de Kim Min-hee sort de son rôle d’observatrice et investit la fiction pour se révéler femme pleine de désillusions face au bonheur des deux amants. C’est même de la colère, puisqu’elle invective violemment son frère. On comprend qu’elle est une femme seule, qui a aimé un jour mais qui a renoncé à cet abandon. Alors le film s’éclaire d’une nouvelle manière, d’un commentaire sur le processus d’écriture où le réel contamine la fiction, à moins que ne soit l’inverse.
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S’il est beaucoup question d’alcool dans le film, c’est que les personnages ont des barrières à abattre. Sur un versant moins joyeux pourtant, l’alcool est indirectement mis en cause dans des discussions où il est question de la mort d’un être aimé. Le cinéaste donne ainsi de la matière à une réflexion plus vaste sur ce qui nous définit, et conjure la tristesse des solitaires dans un beau final autour d’une table, où il s’agit d’aller à la rencontre des uns et des autres, de créer des liens.
Il fallait bien s’asseoir autour d’un café pour en arriver là.
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