Grand froid - la critique du film

Notre avis : Pour son premier long-métrage, Gérard Pautonnier fait le pari osé de nous amuser avec le sujet le plus effrayant qui soit pour nous pauvres mortels et il réussit haut la main ! Adaptant le roman de Joël Egloff  Edmond Ganglion & fils , il en garde le ton grinçant et décalé et nous entraîne dans un road-movie mortuaire qui n’a rien de funeste. Si le rythme est inégal, un scénario imprévisible et un casting haut de gamme nous régalent d’une comédie à l’originalité bienvenue.
Dans un décor improbable de ville d’Europe du Nord vidée de ses habitants et plantée dans une immensité désertique à la manière d’un western hivernal, une galerie de personnages hauts en couleur vont nous jouer une sorte de fable hilarante et surréaliste de manière crédible. Et c’est bien ce qui fait tout le charme de cette œuvre attachante.

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Dans ce coin oublié du monde, il reste une vieille dame dont l’heure de la mort ne devrait mathématiquement pas tarder à sonner. Alors en ces temps de disette professionnelle, nos trois protagonistes lorgnent sur cette potentielle future cliente pourtant adorable qui vient souvent les consulter pour une séance de coiffure ou une consultation médicale, histoire de préserver le lien social dans cette cité abandonnée. Dès qu’elle quitte leur boutique, renaît l’espoir que peut-être l’un des camions qui passent à vive allure pourrait enfin leur fournir du travail et nous révèle au passage un Edmond Zweck (Olivier Gourmet) éminemment humain, en patron que le naufrage de son entreprise rend cynique sans pourtant parvenir à le transformer en monstre absolu. Quand enfin un mort accepte de leur fournir un peu de travail, le récit prend d’autres directions tant géographiques que cinématographiques, ajoutant au récit un zeste de polar et une bonne dose d’aventures toutes plus rocambolesques les unes que les autres, à travers d’immenses plaines enneigées intemporelles. C’est aussi l’occasion de profiter pleinement de la magie de l’interaction et de l’harmonie entre des comédiens au sommet de leur art.

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Entre humour et mélancolie, Jean Pierre Bacri met au service de Georges, cet employé désabusé des pompes funèbres, proche de la retraite et en quête d’une reconnaissance post-mortem, toutes les variations subtiles de son talent. Sa fragilité, ses fêlures et sa sincérité qui se heurtent à la psychorigidité dont il ne peut se départir en font un personnage délicieusement ridicule que l’on prend en affection. Le duo qu’il forme avec Eddy scelle la cohésion du film. Car à l’inverse de Georges, Eddy (Arthur Dupont) a la force de la jeunesse. Il croit dur comme fer à la vie et son jeu riche et généreux illumine les scènes d’un bout à l’autre (sa voix off commence et et termine le film). Il est le trait d’union entre tous les personnages. Sa douceur et sa candeur mêlée à l’attitude désabusée et bourrue de Georges constituent la meilleure recette pour nous assurer de beaux moments de drôlerie et d’émotion. Les personnages secondaires ont également été choisis avec soin, à commencer par Sam Karmann, qui n’engendre pas la mélancolie dans ce rôle de prêtre hyper-connecté ou la famille du défunt qui, à coup de détails à peine esquissés, laissent entrevoir des personnages tout à fait inattendus.
On regretta juste que le réalisateur ait choisi une conclusion un peu rapide, pas vraiment en adéquation avec cette ambiance un tantinet burlesque qui fait de ce film une comédie qui ne ressemble à aucune autre.
Il faut néanmoins reconnaître qu’une mise en scène singulière et quelques réparties à l’humour noir bien senti, de celles que Michel Audiard n’aurait sans doute pas reniées (La mort, c’est pas contagieux, c’est héréditaire) complètent judicieusement cette histoire impertinente juste à point. A coup sûr, ce Grand Froid vous fera chaud au cœur.