Le 26 octobre 2017
Adaptée d’une pièce de théâtre, l’œuvre de Fabrice Cazeneuve séduit par son inventivité formelle.
- Réalisateur : Fabrice Cazeneuve
- Acteurs : François Loriquet, Missia Piccoli, Mathilde Cazeneuve
- Genre : Historique
- Distributeur : Saint-André des Arts
- Durée : 1h20min
- Date de sortie : 22 novembre 2017
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Résumé : A Nijni-Novgorod vit Alexis Pechkov, un jeune auteur. Depuis l’âge de dix ans, il a exercé tous les métiers pour réussir à vivre. Il a tout vu. Il est autodidacte et vient de publier un premier recueil de nouvelles sous le nom de Maxime Gorki, « amer » en russe. A Ialta, Anton Tchekhov, médecin et auteur célèbre en Russie comme à l’étranger, prépare l’édition de ses œuvres complètes. Tout semble les séparer : modes de vie, caractères, styles, distances, et surtout positions respectives dans le monde des Lettres. Au début de cette correspondance, c’est l’élève Gorki qui s’adresse avec dévotion au maître Tchekhov, sans vraiment attendre une réponse. Mais Tchekhov répond, toujours attentif aux jeunes auteurs, et rapidement, avec l’intelligence du cœur, ils s’apprécient et nouent une amitié réelle.
Notre avis : A l’aube du XXe siècle, la correspondance entre Maxime Gorki et Anton Tchekhov a tout du passage de témoin. Si le futur artiste du réalisme socialiste vient d’être consacré par la publication d’Esquisses et récits, il demeure en quête d’une légitimité littéraire, le cœur plein d’espoir, buvant comme un extravagant les mots de son célèbre interlocuteur. La grande originalité du film de Fabrice Cazeneuve est de s’en tenir strictement aux phrases de cette correspondance, à la matière textuelle qui seule intéresse une véritable réflexion littéraire. Certes, il est question de la vie des deux écrivains, leurs propos esquissent même les contours d’une quotidienneté parfois chaotique, surtout du côté de Gorki, clairement engagé dans la lutte sociale, surveillé, puis emprisonné par le pouvoir tsariste. Mais l’essentiel est ailleurs : la cooptation littéraire procède d’une admiration sincère de Tchekhov, sans que n’affleure le sentiment d’un quelconque paternalisme. Le jeune auteur est simplement accompagné par son aîné qui, à la manière de tous les écrivains majeurs, est aussi un lecteur avisé. Conscient que la nature fougueuse du jeune Gorki déborde comme le lait et infléchit son style, en le parant de certaines lourdeurs, le grand écrivain l’exhorte à davantage de simplicité. Le conseil sera retenu.
La mise en scène inventive de Cazeneuve tourne complètement le dos à une reconstitution naturaliste, puisque les deux artistes sont incarnés par des femmes. Le contenu de leur correspondance est contextualisé par des décors souvent différents, figurant parfois une sorte de théâtre en plein air, où les deux comédiennes -excellentes- ne dialoguent jamais, en dépit de leur présence concomitante. La majorité des situations accompagne de manière logique les lettres qui nouent un passionnant échange, les méditations de chacun trouvant dans les beaux décors de mer ou de campagne un écrin à leur promenade. Parfois, les mots des deux auteurs sont mis en bouche ; à d’autres moments, une voix off les relaie. Et l’enchaînement des phrases coule naturellement, sans que l’on regrette un seul instant de ne pas assister à une fiction traditionnelle. Le faible budget du film devient ici un avantage : il nous ramène à l’os de ce qu’est la création, sans les reconstitutions factices propres aux biopics orthodoxes et qui ne sont que des effets de réel.
Novatrice dans sa forme, l’oeuvre de Fabrice Cazeneuve constitue un jalon artistique qu’il convient de saluer.
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