Gasland - la critique

Documentaire engagé qui dénonce les agissements peu écologiques, mais économiquement avantageux, des compagnies gazières américaines. GasLand, traité non sans un certain esprit du spectacle, constitue un témoignage poignant contre cette nouvelle industrie.

L’argument : Les plus importantes recherches de gisements de gaz naturel sont en ce moment entreprises à travers tous les États-Unis. La société Halliburton a développé une technologie de forage, la fracturation hydraulique, qui va permettre aux États-Unis de devenir « l’Arabie Saoudite du gaz naturel ». Mais cette technique est-elle sans danger ? Lorsque le cinéaste Josh Fox reçoit une lettre l’invitant à louer ses terres pour y faire un forage, il va sillonner le pays et découvrir en chemin des secrets bien gardés, des mensonges et des toxines...

Notre avis : Pour la petite histoire, il y a maintenant plus d’un an, en mars 2010, que le ministère de l’Environnement accordait des permis d’exploration des gaz de schiste* à trois entreprises pour prospecter notamment dans l’Aveyron, l’Ardèche, la Drôme, l’Hérault, la Lozère. Peu, voire totalement inconnue du grand public, l’exploitation de ce gaz a rapidement provoqué l’ire de nombreux défenseurs français de la nature dont l’irréductible gaulois, José Bosé. Posant pour la couverture du Monde magazine du 22 janvier 2011, ce fut l’occasion pour lui de tirer une nouvelle sonnette d’alarme face à l’exploitation précipitée de ressources naturelles dites alternatives et non sans danger pour la santé humaine.
Si le coq gaulois résiste face à cette technique, est-il pour autant seul et a-t-il raison ? Pour se faire une opinion, rien de mieux que de regarder le documentaire choc de Josh Fox, Gasland, produit par HBO.
Promenant sa caméra à travers les États-Unis, et récoltant les indices tel un grand jeu de Cluedo, le documentariste, à qui on a initialement proposé 100.000$ pour l’exploitation du sous-sol de sa propriété familiale, mène son investigation. Il part à la rencontre de l’Américain moyen, visite les vastes exploitations de Pennsylvanie, du Colorado, du Wyoming, de l’Utah et du Texas, interviewe les industriels du secteur et les agences environnementales.
Brossant un tableau que l’on qualifiera sans peine de dramatique, ce documentaire « caméra au point », dresse le constat amer et dérangeant d’une Amérique désolée, contrainte à accepter le gain rapide et substantiel proposé par les compagnies (plusieurs centaines de milliers de dollars en échange de la location de quelques hectares de terres vierges pour les forages), au détriment de son patrimoine et de sa propre santé.
Josh Fox dénonce vigoureusement le langage confus des industriels qui refusent de dévoiler la liste des substances utilisées pour fracturer les roches souterraines, usant du pouvoir de l’argent pour faire taire les victimes de cette technique et masquer les difficultés. Car face à la pollution, largement illustrée dans le film, point de remède ; les solutions proposées n’apparaissent alors que comme un fard peinant à cacher l’horreur de vies quotidiennes scandaleusement sacrifiées pour le gain. Ainsi, Gasland confond le discours hallucinant de cet industriel qui, jouant sur le thème de l’intimidation et de la manipulation, évoque dans un grand fourre-tout, l’indépendance énergétique du pays, la grandeur étasunienne et la lutte contre le terrorisme !
On pourra certainement reprocher à ce documentaire son côté spectaculaire à l’envie (l’eau des robinets qui flambe !), son manque de rigueur d’un point de vue scientifique, notamment dans la sacro-sainte preuve scientifique et le nécessaire établissement de corrélations entre ces techniques et les maux rencontrés. Mais peut-on vraiment lui reprocher l’approche rentre-dedans, lorsque l’on comprend à demi-mot que les agences de l’environnement américaine bien qu’informées de la question et des problèmes ne se prononcent pas car on ne les a pas sollicitées !
Distinguée à plusieurs reprises (prix spécial du jury au festival du film indépendant Sundance et nomination pour le prix du meilleur documentaire aux Oscar), la thèse mérite bien le détour par la case cinéma après sa diffusion sur Canal +, le 4 avril dernier. Une œuvre d’utilité publique à laquelle nous, Français, devrons jeter un coup d’oeil attentif pour enfin entrer dans le débat.

* Sans entrer dans les détails techniques que l’on réserve aux spécialistes, le gaz de schiste se caractérise par le fait qu’il est réparti de manière diffuse dans le sol. Pour l’extraire, il est donc nécessaire de forer des puits puis de fracturer la roche du sol contenant ledit gaz par injection d’eau, sous forte pression, additionnée d’une kyrielle de composés chimiques. Technique jusqu’à présent coûteuse, la raréfaction du gaz conventionnel a finalement conduit les producteurs à se tourner vers cette nouvelle énergie.

La bande-annonce : ICI