Le 13 janvier 2022
- Scénariste : Elizabeth Pich>
- Dessinateur : Elizabeth Pich
- Genre : Humour
- Editeur : LES REQUINS MARTEAUX
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 5 novembre 2021
- Plus d'informations : https://www.lesrequinsmarteaux.com/...
Une héroïne déjantée pour un récit aussi hilarant que touchant.
Résumé : Fungirl vit en colocation avec Becky et son copain Peter. Fungirl a trouvé un emploi dans une entreprise de pompes funèbres. Fungirl est solaire, déphasée, nature et extravertie mais n’en reste pas moins sensible et affectueuse. Fungirl est un trou noir, elle attire et s’attire des ennuis, provoque son entourage par son impétuosité sans borne mais suscite autant de tendresse par sa grande maladresse.
Pour son premier album réalisé seule, Elizabeth Pich frappe fort. Elle livre une fable humoristique extrêmement efficace, pleine d’intelligence et qui bouscule les frontières de la bienséance. Son personnage est une femme qui vit intensément chaque instant de sa vie au détriment parfois de son entourage. Mais ce qui pourrait agacer dans son comportement la rend finalement particulièrement belle : malgré les nombreuses contraintes et normes sociales auxquelles nous sommes tous confrontés, elle, reste authentique. Elle ne se plie à aucune (ou presque) convention, faisant mine d’être en décalage avec le monde qui l’entoure. Mais en hissant le subversif au niveau du naturel, elle interroge sur la possibilité que ce ne soit pas plutôt le monde qui se trouve en décalage. Car finalement, les amis qui l’entourent semblent moins heureux qu’elle (ou plus malheureux, c’est selon), enfermés qu’ils sont dans une pression sociale et morale étouffante. Fungirl pourra ainsi de prime abord paraitre vulgaire ou licencieuse, avant que cette impression ne s’efface progressivement pour laisser place à une manière d’être originale, excessive peut-être car profondément spontanée, mais simple et touchante. De plus, l’autrice n’entrant jamais dans la complaisance graphique, dans le simple plaisir de provoquer le dégoût ou la gêne, cette subversion adhère bien au grain de folie du personnage dont la singularité dissout joyeusement les frontières de la moralité sans briser celles de l’éthique.
Elizabeth Pich - Les requins marteaux
Loin de vouloir simplement choquer, les histoires de Fungirl se révèlent ainsi particulièrement drôles et inventives, voire complètement frappa-dingues. Certains des nombreux récits qui rythment ce livre peuvent même plonger allégrement dans le surréalisme et l’absurde, ou bien dans le potache réjouissant : nous ne savons donc jamais vraiment où peuvent bien mener les pages que nous lisons et nous nous laissons donc porter avec plaisir, curieux de découvrir les tours scénaristiques que va nous jouer la dessinatrice. Les conclusions de ces récits peuvent paraître surprenantes, oscillant entre la chute humoristique et l’arrêt abrupt : cette latence confère à ces histoires une grande originalité, le charme des œuvres qui dévient des rythmes d’écriture attendus pour ce genre de récit et impose un style personnel bien plus séduisant. On sent souvent l’autrice sur le fil du rasoir, improvisant ses histoires tout en restant en pleine possession de ses moyens : elle développe ainsi une plume qui n’appartient qu’à elle et qui constitue en partie le sel de ce livre. Dans le même temps, par l’accumulation de ces micro-récits, elle bâtit un macro-récit qui lie les histoires les unes aux autres. Elizabeth Pich, au-delà de livrer des gags savoureux, creuse ainsi les relations des personnages entre eux, leur psychologie et l’on sent une réelle tendresse pour chacun d’eux. Elle adopte ainsi une narration qui n’est pas sans rappeler les schémas propres aux séries télévisées.
Elizabeth Pich - Les requins marteaux
Le dessin, s’il peut paraître simple, se révèle particulièrement ingénieux et incarné, conférant du dynamisme à ces anecdotes complètement folles. Tenue, inventive, allant à l’essentiel tout en s’autorisant des délicatesses esthétiques, sa ligne déploie une énergie folle qui rappelle la verve d’Emilie Gleason. À noter que certains dessins en pleine page, qui séparent les chapitres entre eux, convoquent et parodient toute une imagerie fortement connotée. L’intertextualité fonctionne alors plus sur le mode du clin d’œil, à l’image de la couverture qui fait référence aux Peanuts sous fond de vanité (on trouvera, entre autres, des allusions au Caravage, aux peintures de la renaissance, autant qu’à des œuvres de la pop culture).
Fungirl est un album extrêmement drôle, trash et touchant, qui défie le politiquement correct tout en se révélant profondément féministe : une des lectures les plus réjouissantes de ces derniers mois.
260 pages - 30 euros
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Galerie photos
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