Le 9 février 2025
Le film témoigne avec force de la dignité des Gazaouis, qui se racontent, entre témoignage et fiction, et assurent à travers la caméra la permanence de leur humanité.


- Réalisateur : Rashid Masharawi
- Genre : Documentaire, Expérimental
- Nationalité : Français, Palestinien, Jordanien, Qatari
- Distributeur : Coorigines Distribution
- Durée : 1h53mn
- Date de sortie : 12 février 2025
- Plus d'informations : Le site officiel
- Festival : Festival de Toronto 2024

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Résumé : Vingt-deux histoires gazaouies, autant documentaires que fictionnelles.
Critique : Depuis l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas le 7 octobre 2023, les habitants de la bande de Gaza se trouvent (à nouveau) plongés dans un extrême dénuement, entre exils forcés, incessantes pertes de proches, ronflement constant des bombes et des avions de guerre. Surtout, le futur est relégué au conditionnel, chaque nuit pouvant être la dernière.
- Copyright © 2024 COORIGINES PRODUCTION
Le régime d’image qui nous parvient, depuis lors, de la bande de Gaza, possède un caractère historique dans un sens dramatique : aucun journaliste ne s’est vu octroyer la possibilité d’investir les lieux (de même que l’aide humanitaire, réduite à peau de chagrin). Ainsi, les photos et les vidéos des Gazaouis, au quotidien, sont les seules images qui nous parvinrent au cours de l’année écoulée, notamment via les réseaux sociaux. Une approche globale, et une légère prise de recul ne pouvaient être que salutaires, au moins comme objet de témoignage des vies gazaouies, sinon comme revendication de leur existence, et de leur dignité.
Au milieu du chaos, et quand les besoins humains élémentaires ne sont pas garantis, quel sens l’art et la création pourraient bien revêtir ?
C’est la question principale que travaille Rashid Masharawi à travers cette collection de courts-métrages, dont la nature varie du témoignage face caméra à la courte fiction. Pourquoi une jeune fille continuerait de danser, pourquoi des femmes et des hommes continueraient de lire ou de faire de la fiction, en montant des courts-métrages ?
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Pour exercer leur humanité, à l’heure où la guerre qui les frappe tend à les déshumaniser. Si la réponse est simple, elle est rappelée avec trop de force pour ne pas émouvoir le spectateur, et se déploie de tellement de manières différentes qu’elle ne peut que le surprendre. En effet, la variété des formes de témoignages gazaouis suscite un vif intérêt teinté d’admiration. De tous âges, hommes comme femmes luttent pour écrire et filmer. Parfois raconter leur traumatisme, avec une remarquable dignité. Certains confessent ne pas avoir pu terminer leur œuvre, comme Etimad Washah, dans Taxi Wanissa, mais renseignent alors sur leur démarche, et permettent d’explorer les limites de la création, tout en nous rappelant brutalement à la réalité. Les artistes, filmant les décombres désormais majoritaires sur le territoire, parviennent à se réapproprier, tant que faire se peut, ces lieux : nous avons plus à l’écran seulement le résultat de la mort et de la destruction, mais aussi, parfois, le théâtre d’une inventivité inimaginable dans de telles conditions : une petite, mais vitale reprise de pouvoir de ces acteurs, ces réalisateurs, sur leur lieu de vie.
Le film, parfois difficile à regarder en face, s’affranchit de toute naïveté : le cinéma ne peut pas tout. Mais il s’inscrit dans une démarche de sauvegarde d’une identité, et peut être le réceptacle d’un irrépressible besoin de trouver du sens, au moins un peu, dans le moindre interstice.