Fixeur - la critique du film

Notre avis : Adrian Sitaru qui a remporté le prix CICAE au Festival de Berlin en 2016 avec Illégitime signe ici son cinquième long-métrage avec en toile de fond un thème commun à tous ses films : celui des choix que la vie nous propose et de la moralité qui les entoure.
Dès l’ouverture du film, le réalisateur nous plonge au cœur de son sujet. Radu exhorte son beau-fils, un gamin d’une dizaine d’années, à se surpasser lors du concours de natation afin d’atteindre la plus haute marche du podium, suggérant ainsi que nos sociétés toujours plus compétitives nous autorisent, en toute conscience, à pousser les autres loin dans leurs actes parfois au détriment de leur bien-être, simplement au nom d’un besoin absolu de réussite. Les scènes de piscine (qui ouvrent et ferment le film) constituent l’exact symbole du combat contradictoire que Radu va devoir mener contre lui-même.

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Car si Radu rêve de gravir les échelons de sa profession, il n’a rien d’un jeune homme sans foi, ni loi. Le choix de Tudor Aaron Istodor (que l’on a pu voir récemment dans le divan de Staline de Fanny Ardant) au regard doux et à l’attitude réservée, nourrissant son personnage de toutes les nuances nécessaires, assure une belle authenticité à ce jeune homme profondément humain, ballotté entre ambition et respect de soi. Quand il devient l’interprète d’une équipe de télévision française venue enquêter sur une affaire de prostitution concernant des mineures roumaines, il est prêt à accéder à toutes leurs demandes (malgré le léger mépris que les membres de l’équipe lui témoignent, lui qui n’est qu’un fixeur) dans l’espoir d’obtenir une promotion d’autant que l’affaire se complique, que la pression médiatique se fait plus forte et que les journalistes français n’ont qu’une ambition : arriver au scoop à n’importe quel prix, mettant Radu face à des dilemmes moraux insolubles. Sur ce parcours semé d’embûches mais non dépourvu d’humour grinçant, le réalisateur nous ravit alors d’un échantillon de prototypes masculins, (entre autres de l’impeccable Mehdi Nebbou parfait dans le rôle de ce journaliste arrogant et cynique) allant du plus vulgaire au plus attachant. Leur ambition commune est d’utiliser cette histoire sordide pour leur intérêt personnel plutôt que d’aider ces deux gamines à oublier leur calvaire, n’hésitant d’ailleurs pas pour arriver à leurs fins, à recourir à des méthodes assez identiques à celles de leur souteneur. Dans la description méticuleuse de cette exploitation ne se profile néanmoins pas l’once d’un jugement, juste un constat de la dualité de nos valeurs.

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Malgré l’universalité de son sujet, Adrian Sitaru n’oublie pas de s’attarder sur les piètres conditions sociales des habitants des campagnes roumaines. Les filmant en lumière naturelle et caméra à l’épaule, il ne nous épargne rien de cette détresse morale et physique qui fait d’eux la proie rêvée du premier manipulateur venu et mène son récit de fiction aux limites du documentaire.
Une mise en scène fluide, un casting tant français que romain de choix et une analyse jamais manichéenne de la manipulation de l’homme par l’homme font de ce film à la fois simple et raffiné un moment intense de cinéma.