Le 8 février 2019
Cacoyannis signe, avec son quatrième film, un mélodrame déchirant aussi lyrique qu’inspiré.
- Réalisateur : Michael Cacoyannis
- Acteurs : Ellie Lambeti, Athena Michaelidou, Eleni Zafeiriou, Giorgos Pappas, Michalis Nikolinakos
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Grec
- Distributeur : Tamasa Distribution
- Durée : 1h52mn
- Reprise: 27 février 2019
- Titre original : To teleftaio psema
- Date de sortie : 23 novembre 1960
- Festival : Festival de Cannes 1958
L'a vu
Veut le voir
– Année de production : 1958
Résumé : Chloé, fille d’une bonne famille endettée jusqu’au cou, accepte de se marier pour sauver sa famille de la ruine. Mais avec ce mariage, elle perd sa joie de vivre...
Notre avis : Ellie Lambeti irradie dès les premières minutes dans le rôle douloureux de Chloé, fille de grands bourgeois ruinés préoccupés de sauvegarder les apparences, que l’insouciance a quittée. Au milieu d’une réception donnée par sa mère, elle s’échine à trouver un moyen pour dissimuler le fait qu’il n’y a plus de whisky, et que, comme le lui apprend Katerina, leur domestique, le commerçant refuse de leur accorder encore un crédit. Bâtir un suspens sur une bouteille de whisky, il fallait l’oser : Cacoyannis ose, il parvient même à faire de cet enjeu mineur une séquence prenante et révélatrice des postures de chacun, de la mère qui ne veut rien voir au père absent, en passant par Chloé, la seule à affronter la réalité. D’ailleurs, en matière d’audace, le cinéaste ne s’en tient pas là ; il prend à bras-le-corps les motifs du mélodrame et les déroule sans second degré, ni distance, en valorisant même les excès du genre à travers des poses figées ou des dialogues parfois feuilletonnesques. Et ça marche. D’abord parce qu’il y croit et n’entache jamais son métrage de scènes annexes qui pourraient dévier de son objectif. Ensuite et surtout parce que sa réalisation est rigoureuse, millimétrée, et son interprétation hors pair.
- Fin de crédit - Copyright Tamasa Distribution
La trajectoire de Chloé, magnifiquement rectiligne, la conduit du parti de ses parents à celui de Katerina, c’est-à-dire à l’acceptation de sa situation : deux séquences qui se font écho le prouvent assez ; dans la première, elle prend le car avec des pauvres qui la dégoûtent ; dans la seconde, à la fin du film, elle est sur un bateau, au milieu d’eux, habillée comme eux. Entre les deux, il y a toute la fausseté d’un mariage conçu comme un sauvetage, la révolte et la mort de Katerina, celle qui déclenche tout en refusant de s’en tenir encore une fois aux convenances. Dans l’un des beaux passages, après avoir accepté de servir sans se faire payer, après avoir été oubliée par Chloé qui lui avait promis de l’argent, elle se rebelle enfin, exigeant son salaire, prête à hurler aux voisins la vérité ; mère et fille s’associent pour la faire taire, la caméra s’emballe avec la musique, jusqu’à ce que Katerina tombe, victime d’un malaise cardiaque autant que de la violence de ses employeurs. Mais à vrai dire, il faudrait citer d’autres séquences, tout aussi réussies : le père qui attend un rendez-vous qui n’aura pas lieu, la visite de la tante et la révélation de secrets de famille, la déclaration de Markos, l’ « éternel ami », et toutes celles qui valorisent la beauté irradiante d’Ellie Lambeti ; ainsi de sa danse, apparemment gratuite, mais dont le spectateur comprend vite qu’elle signe la fin de son innocence et de sa joie de vivre.
- Copyright Tamasa Distribution
Fin de crédit est aussi un film politique en ce qu’il dénonce une classe sociale méprisante et veule, même si Cacoyannis donne leur chance à la plupart des personnages : la lâcheté du père est touchante, le fiancé sincèrement épris. Pourtant dès le début, avec la partie de cartes, il montre des visages haineux et réserve ses flèches à la mère, de plus en plus odieuse, confite dans sa hantise du déclassement. Contrairement à son mari, elle refuse la situation et joue un rôle perpétuellement, égoïste et superficielle. Quand Chloé lui ressemble, lorsqu’elle brûle un billet par bravade ou qu’elle oublie Katerina, elle se condamne ; quand elle accepte de n’être plus la petite fille gâtée, elle se sauve, ce que prouve naïvement le miracle final.
- Copyright Tamasa Distribution
Si Cacoyannis se laisse aller à quelques coquetteries, comme le plan vu derrière une allumette qui brûle, il témoigne la plupart du temps d’une belle maîtrise classique, recourant à d’élégants travellings ou des gros plans révélateurs sans joliesse démonstrative. De cette sobriété et de certaines trouvailles (le rôle de la porte coulissante) naît une émotion qui ne verse jamais dans la facilité ou le pathos, même si la fin serrera le cœur du spectateur le plus endurci. Rigoureux et touchant, Fin de crédit a l’impeccable harmonie des grands classiques et le revoir aujourd’hui dans une copie admirable est un bonheur.
- Copyright Tamasa Distribution
Rétrospective Michael Cocoyannis en 3 films avec Ellie Lambeti, à partir du 27 février 2019
– Le réveil du dimanche
– La fille en noir
– Fin de crédit
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.