Le 15 octobre 2013
- Réalisateurs : Quentin Tarantino - Henri Verneuil
- Acteur : Jean-Paul Belmondo
- Festival : Festival Lumière
La chronique d’un spectateur illuminé vous propose de revivre la soirée d’ouverture du Festival Lumière 2013 avec un magnifique hommage à Jean-Paul Belmondo et la venue surprise de la superstar Quentin Tarantino dans une halle Tony Garnier chauffée à blanc.
Je vous propose aujourd’hui de revivre la soirée d’ouverture du Festival Lumière 2013 avec un magnifique hommage à Jean-Paul Belmondo et la venue surprise de la superstar Quentin Tarantino dans une halle Tony Garnier chauffée à blanc. Deux géants du cinéma pour une soirée 100% émotion.
Cinéma, joie, hystérie : nos amis les peoples
Chers lecteurs. La journée s’annonce pleine de promesses malgré un temps des plus maussade et une fine pluie insidieuse qui ne manquera pas d’engendrer les quelques éternuements saisonniers qu’on entend par ci par là au cours des projections ciné. Mais le Lyonnais étant de nature robuste, ce n’est pas une petite crève qui l’empêchera de partir en vadrouille du côté des salles obscures. Il faut dire que les chanceux qui étaient présents hier soir en halle Tony Garnier pour l’ouverture du festival ont déjà eu de quoi se réjouir, et en redemandent. Dans ma précédente chronique, j’avais promis de noter de qui était composé le gratin du monde du cinéma, alias Thierry Frémaux (de nouveau impérial) et co. Outre l’incontournable Laurent Gerra (oui oui il est fan de ciné et a été conçu dans l’Ain), je tenais tout particulièrement à saluer la présence du réalisateur Bertrand Tavernier qui nous fait chaque année l’immense joie d’être parmi nous. Plutôt logique quand on est président de l’Institut Lumière, qu’on vous encourage d’ailleurs vivement à visiter (si cela n’est pas déjà fait) histoire de se familiariser avec l’incroyable histoire des deux frères fabricants de plaques photographiques lancés sans trop y croire dans l’aventure du cinématographe. Trêve de digression, revenons à nos moutons, ou plutôt à nos invités qui ont bien bêlé leur phrase rituelle marquant officiellement le coup d’envoi de l’événement. Tavernier, encore lui, a d’ailleurs joué un rôle moteur dans cette annonce, puisqu’il a émis, avec une insoupçonnée voix de stentor (sans doute l’effet micro), plus de la moitié des décibels provenant du parterre de stars. C’est dire qu’il aime le cinéma Bébert. Autres personnalités présentes, Daniel Auteuil, Richard Anconina, Clotilde Courau, Georges Lautner (celui des Tontons flingueurs et des Barbouzes), Jean Rochefort (qui s’est fait discret), Claudia Cardinale, Dominique Sanda, Françoise Fabian, le génial compositeur Jean-Michel Jarre, Claude Lelouch... , liste non exhaustive. Cerise sur le gâteau, Quentin Tarantino, le Prix Lumière 2013, a fait une apparition surprise sous les hourra de la foule en délire. Un peu comme Clint Eastwood il y a 5 ans, on aurait dit que tout le monde voulait toucher l’idole, voire lui couper une mèche de cheveux pour s’approprier son talent, que sais-je. Toujours est-il que Quentin nous a gratifié d’une moue ravie et que les fans, dont je fais partie intégrante ont pu se payer le luxe de l’observer d’un air hagard, comme un messie providentiel particulièrement photogénique. Tarantino rend hommage au « roi Belmondo »
Autre diminutif en B, la soirée a surtout été marquée par un émouvant hommage (notre maire Gérard Collomb en avait les larmes aux yeux) à Bébel, aka Jean-Paul Belmondo, le cador des années 60-70, acteur emblématique de la Nouvelle Vague (je pense surtout au magnifique Pierrot le fou de Godard) d’une incroyable polyvalence. Chabrol, Godard, Truffaut, Clément, Sautet, Lautner, Carné, Allégret, De Broca, Verneuil, il a joué pour les plus grands pour le plaisir des yeux et des oreilles. Belle gueule mais pas commune (Bory en parlait comme « une gueule de petit voyou à la Cagney »), un côté chaleureux très nature, il était capable d’incarner tantôt des mâles virils en quête d’action (il exécutait lui-même beaucoup de ses cascades), des hommes torturés ou des grands princes. Il a surtout compris une chose absolument fondamentale qui l’a hissé sans mal au rang d’acteur le plus populaire de sa génération -nous ne reviendrons pas sur l’éternelle rivalité avec Delon, revoyez donc Borsalino, c’est particulièrement édifiant-, c’est que le cinéma est d’abord et avant tout un moyen de partager avec le public. Quand Bébel joue, on sent qu’il ne joue pas pour lui, mais pour les autres, sans besoin de plaire. Comme il le disait lors d’une interview, « si je voulais faire l’acteur pour moi, je jouerais uniquement devant ma glace. » A moi de dire maintenant : « Merci Jean-Paul pour ton parcours, ta joie de vivre et ton immense talent ». Ayant entendu les paroles inaudibles de mon cœur, et l’acclamation des spectateurs venus pour lui rendre cet hommage, Belmondo, désormais vieux monsieur de 80 ans, semblait tout simplement heureux, son lumineux sourire remplaçant 100 000 fois tous les longs discours. Et un homme heureux et comblé, c’est beau. C’est là que Tarantino a pris le relais, lui qui était venu spécialement pour exprimer son admiration pour le travail de Belmondo. Petit discours non moins grand, que nous tâchons de retranscrire au mieux : « Il y a des années, un petit garçon se tenait devant un poster de Humphrey Bogart et il rêvait de lui ressembler. Tout le monde rêvait de lui ressembler. Ce petit garçon, c’était Jean-Paul Belmondo. Les années ont passé, et le petit garçon est devenu grand, marquant de son empreinte le cinéma de la Nouvelle Vague et celui de toutes les années 60 et 70. Le petit garçon a fait place à d’autres petits garçons qui rêvaient devant un poster. Ce poster, c’était celui de Jean-Paul Belmondo. » Tout est dit. Encore une fois Jean-Paul, merci d’exister
- "Un singe en hiver" : affiche du film
- © Comacico
Et le vieil homme entra dans un long hiver...
Cette phrase, tirée du livre d’Antoine Blondin (1959), placée en épilogue, marque à mon sens le point névralgique du magnifique film d’Henri Verneuil, réalisateur trop souvent mésestimé : Un singe en hiver. Quentin, hôtelier d’une petite station balnéaire de Normandie a juré à sa femme de ne plus toucher à un verre d’alcool. C’était sans compter avec l’arrivée de Fouquet, jeune homme étrange qui boit pour oublier une déception amoureuse et qui ne rêve que d’Espagne, qui surgit avec la tentation... Le film dépasse très largement la suite de sketchs sur l’alcoolisme et les conversations entre ivrognes pour se concentrer sur des personnages éminemment complexes pris entre leur devoir et un irrépressible désir d’ailleurs. Chez Verneuil, la boisson fait voyager. Quentin et Fouquet se trouvent, se plaisent et échangent leurs rêves. C’est cet incroyable désir de liberté, teintée de Madrid et du bleu Yangzi Jiang qui donne au film cette sorte d’aura, sans poncifs moralisateurs ou incartades alcooliques grotesques. Gabin le dit bien au « con » et médiocre patron du café voisin, il y a deux sortes de buveurs, ceux qui boivent bêtement et qui « ont la cuite mesquine » et ceux de « la race des seigneurs » qui parviennent à créer l’imaginaire et à transporter leur esprit vers de lointaines contrées. Un singe en hiver, grâce à l’intelligence de la mise en scène, le talent fou de deux monstres sacrés réunissant deux générations d’acteurs et les inoubliables dialogues d’Audiard, apparaît comme une œuvre drôle et poétique au langage à la fois singulier et universel, qui laisse pourtant un arrière-goût amer. Le film pose de vraies questions sur la nature profonde de l’homme, le contrôle, la société, la norme et l’intégration du souvenir comme élément constitutif d’identité. Un film d’homme, qui véhicule certaines idées sur la société -en particulier les femmes et l’idée du couple- très datées, mais qui a su néanmoins traverser les âges en gardant intacte toute sa puissance d’évocation. Ne faîtes pas comme Belmondo. N’attendez pas 40 ans pour revoir le film !
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