Adieux sans concubine
Le 5 mars 2012
En trois heures intenses et rares, concentrées sur la parole d’une interlocutrice unique, Wang Bing ressaisit cinq décennies de la Chine contemporaine. Moins un document ou un témoignage qu’une immersion par la parole, magistrale.
- Réalisateur : Wang Bing
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Chinois
- Distributeur : Capricci Films
- Durée : 3h12mn
- Titre original : He Fengming / Fengming, a Chinese Memoir
- Date de sortie : 7 mars 2012
- Festival : Festival de Cannes 2007
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– Festival de Cannes 2007 : Hors compétition, séance spéciale
Résumé : L’hiver en Chine. Une ville enneigée. Le jour tombe. Enveloppée dans son manteau, une femme s’avance lentement. Elle traverse une cité puis rentre dans son modeste appartement. Fengming s’installe au creux du fauteuil de son salon. Elle se rappelle. Ses souvenirs nous ramènent aux débuts, en 1949. Commence alors la traversée de plus de trente ans de sa vie et de cette nouvelle Chine...
Critique : Comme souvent chez Wang Bing, cela commence par une traversée immersion silencieuse dans un environnement urbain quasi désert, que peuplent de rares silhouettes vêtues de noir dans ce soir d’hiver. Le sodium des lampadaires et la neige au sol accrochent par gros points de bruit numérique la matière de l’image produite par la petite caméra DV ; celle-ci est tenue par le cinéaste qui suit à pas feutrés la démarche tranquille et un peu raide d’une vieille dame tenant un petit sac plastique. Il la suit jusque chez elle, dans son appartement. Là, elle s’assoit sur un fauteuil de cuir beige. Son regard nous est partiellement masqué par les reflets de ses lunettes, et l’on ne sait pas si elle regarde la caméra, Wang Bing, ou ses propres souvenirs. L’important est qu’elle se mette à parler. On croit deviner progressivement la nature du pacte qui a été passé entre l’intervieweur et l’interviewée : laisser le temps de la parole. Car « donner » la parole n’est pas si évident, surtout lorsque les souvenirs que cette parole ravive s’inscrivent dans le temps long de l’histoire d’un pays. Fengming raconte la Révolution culturelle, sa place dans le spectre des « bons » et des « méchants » défini par le Parti, et déroule le fil des événements absurdes ou tragi-comiques à travers lesquels elle a dû passer pour en arriver à ce point précis, le moment du témoignage.
- © Capricci
En face d’elle, Wang Bing assiste à l’entretien. Il n’apparaît pas à l’écran, mais sa présence est de l’ordre d’un hors-champ nécessaire ; Fengming ne s’adresse pas à sa propre image filmée, elle raconte son histoire à une personne vivante, qui a su gagner sa confiance et s’intégrer à son environnement. De manière incidente, et non sans humour, le quotidien, et le trivial s’intègrent au corps du film : la vieille dame part aux toilettes, et nous restons sur le siège vide, comme si nous prenions soudainement conscience du décor, aperçu dans de rares plans de coupe. Le petit salon aux couleurs éteintes devient le seul horizon possible pour reconstituer, à partir des mots de Fengming, son expérience et son histoire. Le récit demeure factuel ; ici pas de « portrait », ni de « destin », mais bien une chronique – état des lieux chronologique d’un pays, à travers un point de vue singulier. Il faut écouter et entendre tout ce qu’a vécu Fengming pour que l’identification finisse par opérer. Tout se passe comme si nous assistions à la terrible vérité du témoignage : une parole, quelques mots abîmés par l’émotion, et des souvenirs qui restent à imaginer. Et tout le reste n’est que fioriture.
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