Fédération . T.1 . Le Test - La chronique BD

Fédération lie en son sein deux thèmes. Tout d’abord, il y a l’enquête policière, bien en place ici avec ses suspects, ses indices, ses fausses routes et ses péripéties. Ensuite, on trouve la science-fiction, avec ses races nouvelles, ses technologies, et son miroir de la société contemporaine. Là encore, les éléments sont présents et bien exploités. De fait, ce premier tome a parfaitement négocié son alternance entre les deux thèmes, les mêlant adroitement, sans trop forcer sur l’un ou l’autre côté. Ainsi, le quotidien d’un jeune inspecteur dans une police en manque de moyens est entrevu, mais pas constamment rappelé. De même, les technologies et habitudes des trois races extraterrestres sont abordées, mais jamais au centre de l’attention. Ce croisement entre Blade Runner, District 9 voire Mass Effet renverse bien les codes du sauvage face au civilisé. Les humains ont été catégorisés, chose qu’ils font parfaitement entre eux (il suffit de penser au concept de Tiers Monde), classés ou plutôt infériorisés. Impensable. Humiliant. Violent. Ce dernier qualificatif entre directement en ligne de compte, car cette violence est bien le fil rouge, avec des agressions, des corruptions et des meurtres qui font passer de l’univers polar noir au brillant de la SF, en un rien de temps.

© Soleil

Le dessin tâche d’emprunter également à ces deux aspects, ne forçant pas trop les traits des extraterrestres (certains apparentés aux rongeurs, d’autres pourvus de quatre bras, et une troisième mystérieuse), disséminant quelques codes du polar (imper, café, geek scientifique au labo...) pour entretenir cette illusion de deux mondes qui se chevauchent. Ainsi New York ne fait pas rêver, entre fin du monde imaginée et désenchantement capitaliste prévisible, il y a un parfum de honte et de sale qui semble flotter sur les personnages, ou plutôt autour d’eux, dans ces rues, des bâtiments sans recherche, sans goût et loin des codes propres et épurés d’une société future. Ce petit côté sombre est forcément dû au polar, qui a posé finalement son empreinte sur l’atmosphère, puisque le racisme, la violence et le vol organisé ne sont pas des caractéristiques propres aux extraterrestres... encore que.

© Soleil

Sans briller, Fédération introduit d’une manière pourtant claire une idée simple : comment un banal policier peut-il bousculer le destin de l’humanité ? Une question de façade qui peut aller bien plus loin dans la sociologie et la critique, mais pour cela, il faudra tester les prochains tomes.