Extraño - la critique du film

Un beau premier essai peignant un personnage profond et complexe.

L’argument : A Buenos Aires, Axel rencontre Erika, une jeune femme enceinte qui vit seule. Ensemble, ils déambulent entre les êtres et les choses qui leur sont chers. De leur solitude respective va naître une relation timide, fragile, proche de l’amour.

Notre avis : Le premier film de Santiago Loza est un récit mélancolique, voire pessimiste. Il retrace un moment de la vie d’Axel, un chirurgien qui vient de renoncer à son travail et à sa vie de célibataire solitaire. Il s’installe chez sa sœur qui, malgré l’échec de son mariage et la difficulté d’élever deux petits garçons seule, est ravie d’avoir à s’occuper de son frère, comme aux plus beaux jours de leur enfance. Il rencontre alors par hasard Erika, une jeune fille enceinte qui vient de perdre sa meilleure amie. Il entre ainsi dans sa vie comme un étranger mais devient rapidement l’homme qui partage ses nuits, sans rien désirer apprendre de son passé ni du père de son enfant. Mais un jour, alors qu’Erika apparaît sur le point d’accoucher, Axel entreprend un dernier voyage, sur les traces de son passé. Il rejoint ainsi une femme aimée, et comprend que la vie a continué malgré son absence.
Extraño, titre polysémique, réfère à la fois au sentiment d’être étranger et à celui de nostalgie. Axel éprouve les deux. Le film raconte ce vécu par une suite de plans séquences fixes, glissant devant nos yeux à l’instar du voyage en train qu’effectue Axel dans les dernières séquences. L’alternance entre des scènes d’extérieur paisibles et harmonieuses et des scènes d’intérieur conflictuelles est révélatrice d’une recherche vaine de sérénité. La récurrence des abandons, notamment celui des hommes, en est une cause : du mari de la sœur d’Axel au père du bébé d’Erika en passant par Axel lui-même. La phrase centrale du film ("il y a un temps qui ne m’appartient pas, ni devant ni derrière, et qui n’existe pas") est, selon Santiago Loza, comme une clé pour comprendre les sentiments d’Axel. Malgré toute cette mélancolie, le film s’achève sur un commencement de vie qui réussira peut-être à échapper à l’abandon et à la solitude que tous tentent de fuir.
Voilà donc un beau premier essai qui réussit à mettre en scène l’Argentine d’une manière singulière et personnelle, tout en peignant un portrait profond d’un personnage d’une belle complexité.

Coup d’œil : Le film du jeune cinéaste argentin a été soutenu par la Cinéfondation. Sans sa productrice française, Francesca Feder, Extraño n’aurait d’ailleurs sans doute jamais vu le jour. Ce long métrage vient d’être primé par la presse lors des Rencontres internationales de cinéma de Paris, au Forum des images.