Le 19 avril 2018
Au cœur des arts premiers, le Quai Branly propose une exposition qui n’a que peu à voir avec ses collections, des portraits de femme réalisées par la photographe Bettina Rheims.
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Résumé : Bien que son titre lui soit emprunté, l’exposition ne célèbre pas le poète latin Pétrone. Cette phrase fatale est tatouée sur la peau de l’une des Femen que Bettina Rheims a photographiées pour sa récente série Naked War. Douces figures, celles-ci ? Héroïnes plutôt, pour reprendre d’une autre des séries de l’artiste, dont on verra ici la part secrète, les polaroïds encore jamais montrés. On y voit moins de douceur que d’intensité : des êtres terriblement vivants aux prises avec un lieu nu, une sorte de rocher et leurs propres corps. Femen et Héroïnes étaient donc vouées à se rejoindre, pour affirmer ensemble la force et la dignité du féminin – à ne pas confondre avec ce que l’on entend communément par la " féminité ", qui n’est qu’un stéréotype social et sexuel. Incarnées dans des corps et des visages sculptés, ces qualités sont aussi celles d’autres héroïnes encore : les oeuvres africaines dont l’artiste a fait les compagnes des siennes, le temps de cette conversation entre photographies et sculptures.
Notre avis : Quel rapport entre les sculptures de masques féminin d’Afrique et les photographies libertaires de femmes occidentales par Bettina Rheims ? Femen et actrices lascives versus têtes de bois Baoulé. Sur le plan théorique, l’intention se comprend. Des cultures radicalement différentes se rencontrent sur le terrain de la représentation physique et sociale de la femme. Est-ce un message qu’on envoie aux anciennes colonies, à nos amis sous tutelle, aux générations d’immigrés, visiteurs de ces pays là, ou au personnel du staff de sécurité qui surveillent le musée et exigent de vous l’innocence au fond du sac en plaisantant sur le Congo dont ils sont originaires ? Est-ce pour nous montre, nous Parisiens, points communs et différences, l’exception culturelle française, une évolution dans le temps, un progrès, une dégénérescence ? Quelle est la raison de cette carte blanche sur fond de continent noir ?
Chacun y répondra à sa manière. Mais les photographies d’actrices, qui n’en sont pas moins des femmes, certes, dialoguent-elles réellement avec les sculptures de bois traditionnelles ? Sont-elles même comparables ?
Tout cela pose question, assurément. Mais c’est peut-être l’esthétique de cette série de polaroids qui ne colle pas.
La première photographie à gauche en entrant dans l’exposition et accompagnant le propos de l’exposition relève le pari de cette confrontation, une autre en face d’une inconnue l’aide encore un peu. Mais ensuite, au demeurant très belles, ces photographies léchées de vedettes plus ou moins connues, entremêlées aux pièces de bois donnent l’impression d’une mondanité "ethnique chic" d’un salon de décoration, plutôt qu’à un ensemble profond et touchant. Certes, la photographe nous donne à voir des femmes dans l’abandon, allongées sur un rocher, pour nous ramener à cet essentiel naturel qui fonde les œuvres du quai Branly... mais l’association, si elle n’est pas inopportune n’est pas convaincante.
Les photographies sont belles, éclairées avec sophistication, les femmes y sont en beauté, mais cet apprêt ne barre-t-il pas la route à notre soif d’authenticité, cœur de ce musée ? Ne dérivent-t-elles pas du propos libertaire et intéressant qui motive l’intention curatrice ?
Si l’on dépasse cela, on se félicite de cette exposition, car toute manifestation qui s’ouvre à la représentation des êtres vulnérables, et les femmes le sont, est une injonction faite à la bêtise de se tenir à distance d’eux. Réaffirmer le statut des libertés acquises de haute lutte et qui sont menacées par une pensée rétrograde importée notamment d’Afrique du Nord est un bonheur. Et puis il y a la redécouverte des salles du Quai Branly, ses collections, ce formidable lieu conçu par Jean Nouvel.
Et plus encore, on s’enchante de la très belle scénographie de l’exposition sur les enfers et les fantômes d’Asie à rez-de-chaussée, qui elle, est à voir absolument, absolument. Il ne faut la rater sous aucun prétexte, elle est digne d’une attraction de parc à thème.
Commissariat
Bettina Rheims
Philippe Dagen, historien et critique d’art
Lieu : Atelier Martine Aublet
Dates :
Du mardi 20 mars 2018 au dimanche 03 juin 2018
Fermeture le lundi
lundi, mardi, mercredi, dimanche : 11h00-19h00
jeudi, vendredi, samedi : 11h00-21h00
Accessibilité : Handicap moteur
Public : Tous publics
Plateau des collections
Plein tarif : 10,00 €
Tarif réduit : 7,00 €
Billet jumelé
Plein tarif : 12,00 €
Tarif réduit : 9,00 €
Galerie Photos
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